Communiqué de presse
Pavel Strnad
Encore
Autant prévenir qu’avant de s’y rendre, il vaut mieux être soi-même en forme. L’exposition est dense, presque autant que les œuvres présentées. Elle laisse peu de place à la respiration et contraint à une observation minutieuse et intense. De quoi se perdre dans ces accumulations de bijoux, ce débordement de luxe factice. L’accrochage vient d’ailleurs contraster cette sensation par un minimalisme presque évident: pinces de fer clouées pour les impressions sur papier, punaises dorées pour les dessins.
Venons-en au fond…. de la forme. L’artiste découpe dans des magazines des reproductions de bijoux qu’il assemble ensuite selon diverses possibilités. De l’accumulation «all-over» (Reproduction 2 et 3) à l’agencement rythmé (Reproduction 1) en passant par le surgissement de la figure, monstrueuse (Monkeydog) ou animale (Elephant).
On pourrait également, à notre tour, découper des bijoux-artistes à coller comme autant de références possibles, soit, et dans l’ordre: les Memory Ware de Mike Kelley, l’abstraction lyrique de Kandinsky, les rêveries surréalistes, les assemblages archiboldiens. Mais l’on pourrait également descendre une (très) grosse marche et affirmer que tout cela, et notamment Attack, Attack, Attack, a de vagues similitudes avec un classique exercice de cours d’arts plastiques collégien. L’intérêt est ailleurs. Assurément.
Le remarquable dans son travail se situe plutôt dans son utilisation de l’œuvre première traitée en matériau brut. C’est tout d’abord dans la variation du projet initial, posé à même le sol, puis montré photographié et imprimé sur papier, et enfin décliné en une installation apposée au mur comprenant entre autres cadre, pièces de monnaie, carton «gold», vrai-faux bijou et vraie-fausse chaîne; autant d’artefacts d’éléments non utilisés mais agissant en réminiscence du faux, du simili, d’une troisième dimension jouée.
Mais c’est surtout la capacité à modifier le cadrage (scotchs visibles révélant le processus sur Attack, Attack, Attack, découpage ciselé et ombres portées sur Reproduction 4, sortie du cadre sur Reproduction 2) et la technique de prise de vue en lumière naturelle (coloration, surexposition de zones, teintes prégnantes) qui bouleverse les lectures du visible.
Ces deux points sont mis en exergue dans Reproduction 6, très belle composition obscure, parfaitement mise en lumière dans un espace transitoire, et qui révèle le processus de manière exemplaire.
La série des dessins, stylisés, entre abstraction et figuration, d’encre et or mêlés (= Encore?), vient apporter un contrepoint intéressant à la débauche de couleurs et de formes des impressions. Légers et rêveurs, ils permettent de repenser, dans le rapport qu’ils instaurent en regard des photographies, l’ensemble des œuvres dans une globalité qui prendrait soudain du recul.
Car si l’on vient à prendre, nous aussi, soudain du recul, on s’interroge sur la portée de l’œuvre en dehors de son jeu formel. Si critique de surconsommation luxueuse il y a, on est bien loin d’artistes tels que Francesco Vezzoli ou Marilyn Minter. Idem si l’on pense l’ensemble sous le spectre du factice ou du geste créateur. L’accumulation cherche-t-elle dès lors à cacher, dissimuler, un plein jusqu’à l’excès, symbole de vacuité ?
critique
Encore