Hamish Fulton
En marchant
«En marchant» ouvre une nouvelle perspective sur le travail de ce «walking artist» historique représenté dans de nombreuses collections institutionnelles et privées, françaises et étrangères, et présent sur la scène internationale depuis plus de quarante ans.
Assimilé à la famille des artistes conceptuels de la 1ère génération, Hamish Fulton, né en Angleterre en 1946, parcourt le monde à pied depuis les années 70, s’adonnant à des marches artistiques («artistic walks») qu’il vit comme des performances solitaires. Issu de la célèbre Saint Martin’s School de Londres, l’artiste convient très tôt que le fait artistique ne saurait être cantonné à un travail d’atelier. Avec son ami Richard Long, il décide alors, au début de ces années, de puiser dans de longues marches la matière propice à l’élaboration d’une œuvre. Pour lui, «marcher transforme».
L’expérience intime de ces centaines de marches et milliers de kilomètres parcourus est restituée à travers des photographies, wall paintings et sculptures. Ce passage de la sphère privée à la sphère publique fonde sa démarche. Cet artiste conceptuel fut également l’un des premiers avec ceux du Land Art à avoir imposé la photographie dite documentaire dans le champ de l’art contemporain dans les années 70. Ces pérégrinations (Tibet, Népal, Mont Blanc, Canada, Espagne, pour n’en citer que quelques-unes) fonctionnent en échos à d’autres et s’articulent autour de repères géographiques et de systèmes de mesures auxquels il se confronte.
Il pénètre littéralement le paysage, démultipliant les points de vue par cette pratique physique qui engage le corps tout entier. Ces marches ont une dimension performative, bousculant voire renouvelant ainsi la conception de la présence de l’art dans l’espace public. Son corps devient sculpture, se mouvant dans le paysage.
Que les marches d’Hamish Fulton aient lieu dans un environnement naturel ou urbain, l’artiste entre en interaction avec lui et ses habitants, inaugurant de nouveaux rapports et de nouvelles trajectoires piétonnières. Elles donnent lieu à des séries de pièces réalisées avec une grande économie de moyens, qui, bien que rassemblées dans des accrochages minimalistes, permettent au spectateur de revivre de manière allégorique des moments précis de ses voyages. La marche devient un espace d’énonciation qui fait œuvre: «No walk, no work».
Pour son projet au CRAC Languedoc-Roussillon, Hamish Fulton a réalisé une marche solitaire de 23 jours à travers les Pyrénées au cours de laquelle il a relié Hendaye à Llançà en suivant en partie le GR 11 espagnol. Les wall paintings et photographies résultant de cette nouvelle expérience entrent ici en résonance avec d’autres wall paintings réactivés dans les espaces, nous proposant ainsi une grande traversée au fil des cours d’eau et côtes qu’il a longés, des routes et sentiers parcourus et des massifs traversés depuis des années à travers le monde.
Les salles monumentales du CRAC Languedoc-Roussillon permettent de rejouer les rapports d’échelle du corps aux espaces naturels qu’il a pratiqué. Il offre ainsi au spectateur, à travers ses déplacements, une expérience physique et mentale inédite: nous entrons dans le paysage, nous l’éprouvons avec un parcours qui bouscule les unités de temps et d’espace que nous croyions maîtriser en entrant dans le centre d’art.
Une sélection de livres et de catalogues de l’artiste présentée à l’étage prolonge l’exposition et nous offre une plongée au cœur d’une œuvre où le livre occupe justement une place centrale à l’instar du texte et du langage. Le texte permet en effet à Hamish Fulton de mettre à distance son expérience intime et les points de vue qu’il offre sur ces espaces, pour mieux les partager et les restituer de façon objective voire universelle, en faisant souvent passer des messages écologiques et politiques.
Un catalogue sera publié à l’occasion de l’exposition, à paraître en début d’année 2014.
Vernissage
Mercredi 30 octobre 2013
critique
En marchant