Aurélien Froment
En abrégé
Le Frac Champagne-Ardenne présente «En abrégé», une exposition d’Aurélien Froment (né en 1976 à Angers). Cet artiste développe une oeuvre homogène au sein de laquelle différents éléments structurent une réflexion sur l’image et la façon dont celle-ci se constitue à la fois dans le temps et dans l’espace. À l’instar du prestidigitateur qui apparaît dans la vidéo Théâtre de poche (2007), Aurélien Froment crée un univers très personnel dans lequel ses oeuvres répondent les unes aux autres et placent le visiteur dans une sorte de jeu de l’esprit, à la manière d’un film à épisodes où «il est toujours possible de prendre une pièce comme point de départ et de la relier par différents degrés de séparation à une autre pièce».
L’exposition «En abrégé» est conçue comme un espace où les technologies de l’image, et les gestes qui en découlent, sont mises en perspective, se superposent, se distinguent, s’influencent et se combinent. Préfigurant dès 1825 l’intermittence de l’image cinématographique, qui repose sur la théorie de la persistance rétinienne, le thaumatrope (du grec thauma, prodige, et tropion, tourner) est un jouet optique constitué d’une carte que l’on fait tourner sur elle-même à l’aide de deux petites ficelles, donnant l’illusion que les deux images imprimées au recto et au verso de la carte se superposent. À l’image du thaumatrope que constitue le carton d’invitation, les oeuvres présentées dans cette exposition composent avec l’idée selon laquelle la réunion de deux images en génère une troisième.
Un entretien est diffusé en fond sonore de l’exposition : on y entend le magicien Benoît Rosemont parler de l’un de ses numéros de «mémoire prodigieuse» pendant lesquels il forme des images mentales qui lui permettent de mémoriser instantanément tout type d’information. Il explique cette technique de mémorisation, qui repose sur l’association de chiffres à des images et de ces images à d’autres images.
En écho, Hugo Hésitait Littéralement à Battre en Brêche Chacune de Nos Orientations Futures et Naïves (2008) met en jeu 52 paires de cartes imprimées. Cette collection d’images-clés propose aux visiteurs un jeu de Memory : imprimées en double, les cartes invitent à être retournées, deux par deux, afin d’en reconstituer les paires. Cette manipulation repose sur l’identification des motifs représentés et la mémorisation de leur emplacement. La grille figurant sur le plateau de verre est la promesse d’autres possibilités quant à l’usage de ces images. En abrégé, cette collection constitue un index visuel et subjectif des pratiques à l’oeuvre dans l’exposition.
Manuel d’utilisation d’un projecteur 35 mm (2007) est une série de photographies qui illustrent les gestes d’un projectionniste, prolongeant ainsi un article d’André Bazin intitulé «Pour en finir avec la profondeur de champ» (Cahiers du cinéma n°1, avril 1951) qui entraîne le lecteur dans la cabine de projection, à la surface de l’image, et faisant le point sur les relations de la technique de prise de vue et de la modernité cinématographique.
Enfin, en contrechamp, Aurélien Froment utilise un projecteur 16mm dont le faisceau lumineux s’équilibre avec l’éclairage de la salle d’exposition (Balance des blancs, 2007). Le dispositif de projection cinématographique devient ici un modèle d’exposition.
Chacune des oeuvres présentées au Frac Champagne-Ardenne contient un ou plusieurs éléments constitutifs des autres, comme un jeu de poupées russes un peu particulier : un jeu dans lequel le plus petit des éléments pourrait contenir l’ensemble, un ensemble d’abrégés.