Franck Scurti
Empty Worlds
Parce qu’il considère les divagations de la pensée poétique comme un préambule salutaire et vital à tout travail artistique, il n’est jamais possible de prévoir ce que va faire Franck Scurti.
C’est pour cette raison, entre autre, que chaque œuvre et chaque exposition de l’artiste fait sens et événement.
«Empty Worlds», quatrième exposition personnelle de l’artiste à la galerie Anne de Villepoix, ne déroge pas à cette règle. L’ensemble des œuvres exposées ainsi que le réseau complexe des significations qui les relient sont à mettre sur le compte des idées, des gestes et des processus induits par une double page trouvée dans le journal Le Monde où figurent deux titres, l’un en face de l’autre : Relier les architectes au monde qui les entoure et L’or flambe et affirme son rôle de valeur refuge.
Dans les premières salles de la galerie, on découvrira Constellations et Relativité générale : deux propositions plastiques et formelles issues de la déconstruction et de l’éclatement dans l’espace de trois exemplaires identiques de la Diamond Chair du designer Harry Bertoia.
Les Constellations sont réalisées à partir du piétement des chaises. Ce sont des pièces soclées dont l’aspect épuré peut rappeler certaines œuvres de la sculpture moderniste. La structure métallique chromée y joue un rôle de cadre permettant de tendre des fils dessinant un enchevêtrement de lignes. Des repères, sous la forme de fragments journaux, peuvent au gré des points de vue, laisser apparaître ou pas un motif géométrique.
Au mur, figure encadré l’exemplaire découpé du journal Le Monde ; introduction ou partition sur laquelle se joue l’exposition.
Relativité générale utilise la structure des assises. Les trames métalliques flottent dans l’espace et semblent se déformer sous l’influence de sphères recouvertes de papier journal. La forme, initialement dessinée par l’empreinte d’un corps, évoque les schémas scientifiques représentant les distorsions et les courbures de l’espace-temps. En elle, se télescopent dimensions cosmique, quantique et actualité quotidienne. Accrochée au mur, telle une projection en deux dimensions, une grille plane reproduit le dessin des ondulations de la chaise de Bertoia. Grilles, trames, projections : plus que de sculpture, il est ici question de formes dessinées et de matrices à traverser à l’aide du regard et de la pensée.
Empty Worlds occupe la troisième salle. Ici, sont exposés de simples pots en terre cuite « étranglés » par l’artiste à l’aide de ceintures de cuir noir. L’intérieur de chaque pot est doré à l’or fin. Une expression triviale — « se serrer la ceinture » —, suscite un geste radical et enclenche un processus générateur de formes singulières et aléatoires.
Selon les dires de l’artiste, Broodthaers, Picabia, Manzoni, mais aussi Francis Ponge lui ont appris « à mieux regarder les objets, à essayer de les comprendre ». Manifestement, cela s’applique aujourd’hui aussi à Franck Scurti.
critique
Empty Worlds