Collectif Xurban
La Ville blanc
« Nous avons extrait le titre de notre projet «La Ville blanc», d’un graffiti inscrit sur une de ces enseignes présentant un projet urbain et architectural en centre ville de Marseille.
La faute de genre induit ici une erreur imminente qui n’est transposable ni en turc ni en anglais. «La ville», mot féminin, accompagnée d’un adjectif au masculin «blanc», semble dire à priori que l’auteur du graffiti n’est pas de langue française.
Cependant, cette association de mots amorce une critique précise et souligne les politiques patrimoniales et les processus d’embourgeoisement. Quand, marchant dans Marseille, nous nous sommes heurtés à ce panneau d’affichage et sa vision des projets à venir, nous l’avons rapidement connecté aux images similaires présentes dans différentes villes du monde et véhiculant la promotion d’un imaginaire «all-white» pour une vie citadine exclusive.
Les villes portuaires du pourtour méditerranéen partagent un destin commun à travers leur histoire, ce que l’historien Fernand Braudel explique clairement : à des temps de booms économiques se succèdent des périodes de déclin pour ensuite rebasculer dans une nouvelle phase de croissance des activités nécessitant l’expansion des infrastructures portuaires jusqu’à leur délocalisation hors des centres villes.
Pour bon nombre de ports, incluant Istanbul, la désertion du front de mer est le prix à payer d’un développement de politiques néo-libérales, d’investisseurs et d’urbanistes. Alors que des conteneurs pleins de marchandises, du pétrole brut, des stocks de thon et un flot de touristes naviguent sur les mers, les continents sont connectés via des puissances sous-marines faites de câblages communicationnels et de pipelines de toutes sortes.
Dans ce flux intense d’échanges sur et sous la Mare Nostrum, les villes Européennes continuent d’opposer une résistance aux migrations de populations indésirées, et les zones d’exclusions (ne cessent) de se multiplier en France, en Allemagne, en Italie et dans bien d’autres pays d’Europe.
Ces aspirations à la création de richesses, impulsées par le nouvel ordre global d’une part et la formation d’une Europe élargie d’autre part, devraient exiger une prise en compte appropriée de ces acteurs en marge et jusque-là négligés. » Collectif Xurban