Il y a les voix qui racontent, il y a la structure tour à tout d’accueil et d’écueil, il y a quatre corps, quatre générations, qui dansent sur scène. Formation, de la chorégraphe Emmanuelle Huynh et de l’artiste Nicolas Floc’h, fonctionne comme une pièce en développement. Danse contemporaine, il s’agit aussi de faire entrer deux autres Å“uvres et media : livres et installation-architecture. Sans lyrisme, mais avec dextérité, Emmanuelle Huynh propose une chorégraphie habitée par l’exploration. A la base du processus : deux livres de Pierre Guyotat. Une fiction (Le Livre) et un récit autobiographique (Formation). Et parce que Pierre Guyotat est un artiste écrivain-poète au parcours atypique, la question de sa formation devient une aventure. L’appui sur son récit offre un matériau fécond pour se risquer dans l’épineuse question : comment devient-on artiste ?
Formation d’Emmanuelle Huynh : « Comment devient-on artiste ? »
Pour expliquer la genèse de son projet, Emmanuelle Huynh dit : « Au moment où je lis Formation [en 2014], j’ai entrepris depuis déjà quelques années, avec des représentants d’autres champs disciplinaires une réflexion sur la formation de l’artiste et j’expérimente au quotidien la puissance du hors champ de l’enseignement*. » Effectivement, Emmanuelle Huynh est à la fois une chorégraphe majeure de la danse contemporaine française, mais elle aura aussi été la directrice du CDNC d’Angers de 2004 à 2012. Autrement dit : une figure-clef de l’enseignement de la danse contemporaine. Par ailleurs, elle est également une chorégraphe et danseuse prompte à explorer l’interdisciplinarité, en particulier avec les arts plastiques. Entre danse, performance et vidéo, sa précédente pièce A Taxi Driver, an Architect and the High Line (2016), co-réalisée avec Jocelyn Cottencin, allait jusqu’aux bords de l’installation. Avec Formation, Emmanuelle Huynh livre donc une œuvre chorégraphique chargée de pluralités et de pistes.
Une chorégraphie appuyée sur (ou entravée par) une structure de Nicolas Floc’h
L’idée d’une perpétuelle trans-formation court ainsi dans le spectacle d’Emmanuelle Huynh. En prenant notamment les traits de quatre danseurs d’âges différents. Une très jeune fille, un homme jeune, un homme mûr, une femme âgée. Tandis que l’artiste plasticien Nicolas Floc’h livre une structure à construire, en cannes de polycarbonate et billes-aimants. Rappelant vaguement ces armatures arquées de toile de tente, la structure évoque presque un animal prêt à bondir. Nicolas Floc’h qui, par ailleurs, a déjà à son actif de nombreuses collaboration avec des chorégraphes contemporains (Rachid Ouramdane, Christian Rizzot, Julie Nioche). Dont plusieurs, depuis 2002, avec Emmanuelle Huynh. Tour à tour structure d’entrave ou porteuse, à l’instar d’un tuteur, les danseurs de Formation évoluent ainsi dans un milieu métaphorisant les notions de persévérances, d’accélérations, d’efforts, de chutes. Entre domptage et émancipation, Formation questionne l’ambivalence. Avec Pierre Guyotat comme fil conducteur, comme modèle de farouche singularité.
Un spectacle présenté au Théâtre de la Cité Internationale, dans le cadre de New Settings.
* Extrait du texte de présentation d’Emmanuelle Huynh [http://emmanuellehuynh.fr/index.php/fr/creations/125-formation-titre-creation-2017. Consulté le 28 novembre 2017].