Dès le début du XXe siècle, Emil Szittya a littéralement arpenté l’Europe en train de se reconfigurer. Il a notamment fréquenté la communauté Monte Verità fondée en 1900 à Ascona par des jeunes gens avides de changer la vie, qui devint un important centre culturel où se croisaient de nombreux artistes, écrivains et danseurs.
Emil Szittya, un acteur de l’art moderne
En 1909, Emil Szittya a accompagné le poète, peintre et théoricien hongrois Lajos Kassák qui se rendait à Paris à pied. En 1911, il fonde avec Blaise Cendrars la revue Les Hommes nouveaux, et publie avec lui le premier « livre simultané » illustré par Sonia Delaunay : La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France.
Emil Szittya a aussi été le découvreur de Marc Chagall, et le rédacteur de la première monographie consacrée à Chaim Soutine. En 1916, il a rejoint les dadaïstes fondateurs du Cabaret Voltaire à Zurich. Il est également éditeur de la revue d’avant-garde Mistral, tout en contribuant au financement de A Tett (« L’Acte »), une revue du poète Lajos Kassas.
Emil Szittya polygraphe
Mais l’activité d’Emil Szittya ne se limite pas au seul domaine de l’art et de la culture moderne, il est impliqué en Hongrie dans un scandale d’espionnage qui le contraint de quitter définitivement son pays natal. À partir de 1919, il vit donc à Vienne et Berlin avant de s’installer en 1927 à Paris où il mourra en 1964.
Emil Szittya est l’auteur de nombreux articles et livres écrits en hongrois, allemand, français et italien dans les domaines de la sociologie, la psychologie et de la critique d’art, notamment à propos d’Albert Marquet, Henri Rousseau, Pablo Picasso.
Les multiples facettes d’Emil Szittya
Écrivain, poète, sociologue, critique et historien de l’art, artiste peintre ? Anarchiste, social-démocrate, libéral, fasciste, antifasciste, communiste ? Escroc, agent provocateur, indicateur ou résistant français ? Était-il seulement hongrois, juif, souabe, allemand, suisse ou français ? Ou simplement un vagabond du monde ? Il était tout cela à la fois. Et certains de ces qualificatifs n’étaient que des accusations proférées contre lui, ou une manière se désigner lui-même.
Les failles d’Emil Szittya
Il a eu de nombreux amis, mais ces amitiés ne duraient pas. Il a fondé une maison d’édition avec Cendrars ; il a été le premier à écrire sur Chagall à Paris et à publier une monographie sur Soutine ; il a guidé aussi Lajos Kassák à travers l’Europe, mais il s’est fâché avec ses amis. Alors qu’il était à Zurich en 1916 à la naissance du mouvement Dada et du Cabaret Voltaire, Tzara refusera de lui venir en aide.
Bien qu’il fût un personnage important de l’avant-garde hongroise et internationale, son activité est méconnue plus d’un demi-siècle après sa mort. Il a beaucoup publié, mais la plupart de ses livres étaient diffusés à peu d’exemplaires et ses multiples essais paraissaient de manière très dispersée dans la presse hongroise, allemande et française.
Emil Szittya peintre
Szittya n’était pas seulement écrivain et critique d’art, il était peintre. Il a même commencé à peindre très jeune, mais il n’a montré ses tableaux au public qu’à la fin de sa vie.
Dans une lettre à Manfred George il confiait en 1964: «Est-ce que vous savez que depuis plus de 50 ans je passe sous silence mon activité de peintre ? J’ai peint une centaine de tableaux. Il y a un an, mes amis m’ont convaincu de les présenter à Paris, et plus tard j’ai donné une exposition à Zurich».
Sa première exposition avait eu lieu en novembre 1958 à la galerie Gisler ; la deuxième, également à Paris, en mars 1962, à la galerie de Pierre Birtschansky ; et la troisième à la galerie Colette Ryter de Zurich. Sa dernière exposition a eu lieu, en juillet 1964, à la galerie Herzig d’Ascona.
Emil Szittya s’est éteint le 26 novembre à l’âge de 78 ans d’une maladie pulmonaire. Son legs parisien constitue la base de la présente exposition qui a été enrichie de tableaux provenant des collections hongroises.
••Exposition: Institut Liszt Paris. 92, rue Bonaparte. 75006 Paris • Commisaire: Zoltán Rockenbauer