Une dizaine de sculptures couleur chair sont disposées dans le grand hôtel particulier du Marais de la galerie Emmanuel Perrotin. Elles font leur défilé et n’hésitent pas à porter des vêtements et des accessoires sur mesure. Elmgreen & Dragset ont donné carte blanche à Alberta Ferretti, Sonia Rykiel, Gaspard Yurkievich, Vanessa Bruno et Henrik Vibskov pour les habiller. Eux-mêmes ont dessiné certains modèles pour scénographier un peu plus leur travail. La seule contrainte a été d’utiliser uniquement des tons noirs, blancs et gris.
D’habitude le duo des deux artistes scandinaves déplace les murs et opère des changements radicaux dans l’espace d’exposition et change aussi la perception des œuvres. Ici encore ils modifient les règles du jeu en proposant habilement des croisés de compétences.
La collaboration s’est déroulée sous la forme d’une proposition. Chacun des participants a reçu la statue qu’il devait habiller. Charge à lui de transformer cette imposante masse. Comment s’y prendre pour trouver le ton juste ? Comment faire pour entrer en harmonie et en conversation avec les deux artistes ? La solution a été de transférer sur ces modèles un peu particuliers le savoir faire et les idées des collections. La recherche s’est attachée à rendre humaines ces masses abstraites de plastique.
Pour avoir une idée des sculptures, il suffit d’imaginer le célèbre jouet Monsieur patate. Ce personnage en kit change d’apparence en fonction des humeurs. Les enfants peuvent remplacer les oreilles par les pieds. Les mains et les yeux peuvent également migrer d’une zone à l’autre.
Les formes que l’on retrouve dans les sculptures empruntent leur apparence à un abécédaire organique abstrait. Il est difficile de les décrire : ici, c’est un lobe d’oreille ; là , c’est un nez ; plus loin, c’est un pouce.
Les sculptures peuvent fonctionner par paires. Placées en vis-à -vis elles se regardent, se dressent l’une vers l’autre. La petite regarde la grande perchée sur un socle noir. L’une joue le rôle de la femme et l’autre s’habille en homme.
Elles peuvent également fonctionner avec des accessoires. Semblant sortir de sa caisse fraîchement ouverte, l’une d’entre elles repose sur le couvercle de la boîte. Sa forme ronde s’oppose aux arêtes de la boite noire. Une autre est placée devant un miroir déformant. Sa forme déjà fuyante est redoublée par l’anamorphose reflétée.
Une autre, placé près d’une fenêtre, feint d’avoir attrapé un coup de vent et, coiffé d’un béret pied de poule, laisse flotter autour de son cou un collier en perles nacrées.
La dernière est placée de l’autre côté de la fenêtre et s’installe dans le jardin qui surplombe l’impasse Saint-Claude. Elle profite des lumières du soir pour s’offrir à l’oeil du spectateur.
Depuis plusieurs années la haute couture s’invite dans les lieux d’exposition de l’art contemporain. Ses relations avec le monde de la création contemporaine sont nombreuses. Le monde du luxe initie et multiplie les partenariats avec les artistes.
Un sac à main griffé ou une photographie limitée à quelques exemplaires se monnaient le même prix. Les liens entre les deux univers sont de plus en plus étroits. Ici le mariage se passe dans une ambiance de plumes et de tulle, de renversement des valeurs et des convenances.
Elmgreen & Dragset
— Disgrace (Rolls Royce Corniche), 2006. Rolls Royce Corniche, peinture, mastic, plumes, acier, moteur. 151 x 373 x 173 cm
— Rosa, 2006. Laiton doré, acier, fibre de verre, epoxy, vêtements, chaussures. 153 x 46 x 44 cm
— Short Cut, 2003. Materiaux divers. 250 x 850 x 300 cm
Installation views at Museum of Contemporary Art, Chicago, 2005
— Uncollected, 2005. Aluminium, bois, plastique, bagages. H.100 cm, ø 400 cm
— Social Mobility, 2005. Aluminium, bois, isopor, acier, béton. 430 x 700 X 200 cm
— go go go, 2006. The Welfare Show, Serpentine Gallery, London