Avec Forward / Into Outside, le chorégraphe Edouard Hue (Cie Beaver Dam) reprend deux créations récentes pour les articuler en un spectacle à deux volets. Antérieure, la pièce Into Outside (2016) réunit sur scène cinq danseurs. Soient Sophie Ammann, Louise Bille, Alfredo Gottardi, Edouard Hue et Anaïs Pensé. Tandis que sur une compostions musicale hyper-pulsée de Charles Mugel, les interprètes s’y engagent dans une chorégraphie physique, proche de la transe. Puissance d’entraînement du collectif dans le dépassement, Into Outside souligne l’énergie circulante. Celle des individus qui font groupe, et celle du groupe qui porte l’individu. Tandis que Forward (2018) prend plutôt les traits d’un solo. Interprété par Edouard Hue lui-même, Forward traduit une autre dualité : celle de l’individu face à lui-même. Double dualité, Forward / Into Outside questionne ainsi, par la danse, les rapports d’intériorisation / extériorisation. Sur l’électro vibrante de Charles Mugel.
Forward / Into Outside d’Edouard Hue : la tension comme élément moteur
Mouvements dynamiques, électriques, Edouard Hue transforme la danse en plateforme de visibilité des émotions intérieures. Avec Forward, le désir d’avancer, d’aller de l’avant [forward] se fait au prix de multiples soubresauts. Dans le tiraillement d’un solo qui reflète la perpétuelle lutte de soi à soi. Comme si le corps avait besoin de cette tension intolérable, pour pouvoir avancer. Désir obsessionnelle d’aller de l’avant, Forward déborde d’énergie. Entre déconstruction et construction, l’acharnement chaotique génère une étoile dansante. Recherche chorégraphique, Forward marque aussi le moment où Edouard Hue rejoint le programme Danse & Dramaturgie, sur une proposition du chorégraphe suisse Philippe Saire. Mise en forme d’un temps charnière qui ne se pose pas, Forward dévore le présent dans un enchaînement de possibles qui s’actualisent. Avec ce combat entre hésitation et action, repli et expansion, corps qui se contracte et ouverture, Forward dessine ainsi sa propre trajectoire.
Into Outside : plongée chorégraphique dans la dynamique de groupe
Autre moment de dualité : la pièce Into Outside. Avec son titre qui pourrait se traduire par quelque chose comme ‘à l’intérieur du dehors’, Into Outside met aussi en relief la tension entre deux pôles. Comme source possible de mouvement, de dépassement. Là où la valse-hésitation de Forward, dans son interminable biffure d’elle-même, fonctionnait comme une prolifération chorégraphique, Into Outside place la ressource énergétique dans l’espace entre les danseurs. Exploration du besoin d’appartenance, la pièce fonctionne elle aussi comme une danse sur la brèche. À la lisière de la transe, le groupe devient bloc, tandis que chaque danseur contribue à la pulsation globale. Et double pièce hantée par le besoin, celui d’avancer comme de fusionner, Forward / Into Outside rayonne d’une énergie insatiable. Sans trêve, la danse y modèle des paysages chorégraphiques. Une succession de moments fugitifs, façonnés par des rapports de force en perpétuelle évolution.