PHOTO

Écrits entre 1962 et 2007

P

Les écrits de Pierre Buraglio rendent compte sur plus de quarante ans de la permanence d’une pensée basée sur la crise du médium et le questionnement du lien entre la peinture et le réel.

Information

Présentation
Pierre Buraglio
Écrits entre 1962 et 2007

Pierre Buraglio, né en 1939, est peintre et fut professeur à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris jusqu’en 2000. Dans les années soixante, il se livre à une déconstruction du code pictural (toile, châssis, pigments) afin de rendre compte de la réalité matérielle de l’œuvre. Se suivent les Recouvrements (superpositions de peintures), les Agrafages (toiles découpées et assemblées) et les Camouflages. De 1969 à 1974, il cesse tout travail pictural pour se consacrer à une activité politique militante.

À partir de 1974, il se remet à la peinture en utilisant des objets de récupération (châssis, cadres, fenêtres). Ce livre regroupe des notes, des entretiens, des chroniques d’exposition réalisées entre 1962 et 2007.

Extrait de «Il ressort de cet entretien…» (1966)

«Il ressort de cet entretien que l’agir du peintre, sa capacité d’intervention dans l’Histoire est au centre de nos préoccupations. Pour commencer ces quelques pages qui sont comme un écho à une prise de position effective, posons en principe que la peinture n’est pas évasion…

Nous savons que les peintres se sont hélas servis des formes à des fins d’évasion ou de participation ou qu’ils ont fait en sorte que les apriorismes (des formes) s’exercent coercitivement sur le spectateur… Dramatisme, surenchère de la sensibilité, etc. La peinture, pour satisfaire, se doit d’offrir des signes certains d’art ou d’anti-art (ses signes idéologiques), en surindiquant les intentions qui les supportent. Tous ces artifices, simulacre du drame, épanchement ou parodie de la révolte, seront appréciés en tant que produits connus par une société qui attend de ses artistes qu’ils y jouent un rôle de compensation, qu’ils y soient « ses » magiciens. Un certain « art abstrait » se satisfait de cette situation… Comme soliloque, il trouve des complicités morales (« Ils croient que la beauté leur est compatissante… », Jean-Paul Sartre). Leur solitude prévaut à tout. Les uns abaissent la peinture au niveau d’une thérapeutique, les autres en font un opium. Impuissants à dépasser leur névrose, ces peintres nous la livrent non objectivée.

Sous sa forme expressionniste, c’est à l’expression directe, à l’immédiateté que l’on a prétendu. Or, il n’y a rien de spontané (« L’expressivité est un mythe, elle est la convention de l’expressivité », Roland Barthes). Les tableaux les plus rageusement, les plus vivement exécutés, nous apparaissent maintenant comme des compositions savamment élaborées. Des images d’action ; des conflits concertés ; des spectacles.»