Iñaki Bonillas, Bertrand Lamarche
Ecrit sur du vent
Dans chacune des deux œuvres présentées, l’espace et le temps semblent repliés l’un dans l’autre. Et alors que l’utilisation de certains dispositifs techniques renvoie à des mécanismes analogiques tels que la platine vinyle ou l’appareil photographique argentique, Iñaki Bonillas et Bertrand Lamarche développent chacun à leur façon une esthétique quelque peu diffuse, car incrustée dans l’intervalle qui distingue, d’un côté, une technologie usitée voire passée en désuétude, de l’autre, une sémantique visuelle réflexive qui affleure à des questionnements existentiels, si ce n’est métaphysiques.
Parce que l’exactitude et la précision semblent caractériser la découpe des blocs d’émotions et de sensations, les deux artistes adoptent des postures à la fois minimales et radicales tout en auscultant la fluidité de la conscience. Ainsi, longtemps après la Note sur le bloc-notes magique de Freud (Wunderblock) où les fonctions mnésiques sont supportées soit par des représentations durables, soit par des représentions qui se renouvellent constamment, au risque de ne pouvoir toutes les contenir, nous pouvons percevoir chez Bonillas et Lamarche comme deux tentatives de figurer la complexité volatile de l’appareil psychique.
Devant la platine de Bertrand Lamarche en train de lire un disque recouvert d’une fine pellicule de cire, nous sommes spectateurs de la naissance incessante de scories d’écriture qui s’entortillent et sont aspirés dans le cosmos sur un rythme vertigineux. Entre renouvellement et effacement permanents, les signes ne se figent donc jamais, ils sont pris dans un tourbillon, tandis qu’Iñaki Bonillas enregistre les vitesses d’obturation proposées par dix appareils photo mécaniques de marques différentes. On passe du 1000e de seconde à la seconde par les fractions plus ou moins régulières 1000-500-250-125-60-30-15-1. Aussitôt, les subtiles variations de sons et de durées des boitiers photographiques deviennent la métaphore d’une tonalité propre à l’esprit, de sa capacité à être simultanément éphémère et ancré dans une densité persistante. Si l’abstraction semble maximale dès lors que l’on n’entend que des clics, c’est le corps, et uniquement le corps qui surplombe et détermine la singularité de l’expérience, sa profondeur.
Vernissage
Jeudi 1er octobre à 18h