Dominée par des œuvres au néon, l’artiste interroge la valeur du slogan, du concept, du mot d’ordre à l’origine non seulement de l’œuvre, mais aussi de la révolution. Le premier néon qui interpelle le visiteur est «Rien»: ce néon reproduit d’une écriture manuscrite aux lettres enchevêtrées le mot rien, en lettres rouges et lumineuses.
Pourquoi ce rien ? Cette entrée en matière résonne comme un défi, comme si rien n’était possible pour changer le monde et produire enfin quelque chose… Ce «rien» fait face à un autre néon intitulé «Un groupe», un groupe à la forme abstraite, continue et biscornue, évoquant peut-être l’idée que le groupe n’est que la revendication de l’Un, de la multitude en un seul.
Progressivement, on commence à comprendre où Jean-Michel Alberola veut en venir: «1968» apparaît en lettres rouges, aux côtés d’un dessin intitulé de manière énigmatique «La vision de Depardon en 1968 à Paris».
L’artiste cherche créer un discours, à comprendre une situation nouvelle pour l’art depuis 1968 et ses bouleversements. Si 1968 est bien une «bouffée de réel à l’état pur», comme le dit Gilles Deleuze, Jean-Michel Alberola formule un discours ambigu, alliant à la fois croyance dans le changement et désillusion.
En effet, d’un côté on peut lire «la question du pouvoir est la seule réponse» écrit en néon bleu — induisant l’idée que le pouvoir est à prendre —, et de l’autre, le mot «luxe» dans la même couleur.
De toute évidence, Jean-Michel Alberola pose une question marxiste: comment éclairer le monde ? Comment créer le contact lumineux qui permettra au groupe de s’éclairer en un seul flux lumineux ? Comment la pensée parviendra-t-elle à faire du pouvoir son seul enjeu et à faire de la société de consommation sa seule proie ?
Jean-Michel Alberola ne répond pas aux questions qu’il pose, mais il a le mérite de formuler un malaise, celui de savoir quelle révolution est encore possible aujourd’hui. Jean-Michel Alberola utilise les armes formelles qu’il a à sa disposition: s’inspirant du dadaïsme et du lettrisme, le mot devient coup de pinceau; s’inspirant du situationnisme, la «société du spectacle» est ce contre quoi il faut lutter.
Jean-Michel Alberola
— Un groupe, 2000. Néon, 50 x 25 cm.
— Eclairage en groupe, 2007. Mur peint, dimensions variables
— La question du pouvoir est la seule réponse, 2006. Néon, 50 x 160 cm.
— Instructions pour une prise d’air, 1996-2007. Huile sur toile, 73 x 60 cm.
— Ce qu’il nous manque à chacun, 2007. Néon, 3 x 25 cm.