Gilbert Boyer, Nancy Burson, Alain Fleischer, Nicolas Giraud, Robert F. Hammerstiel, Hogan et Amblard, François Méchain, Eric Poitevin, Jean Pascal Princiaux, Eric Rondepierre, Jacqueline Salmon, Otmar Thormann, Holger Trülzsch, Pierre Jahan, Albert Rudomine et José Maria Set
Echange vues de l’esprit contre regards d’intelligence…
Et s’il ne s’agissait plus de documenter les vérités ou les apparences du monde, mais de procéder par paliers à la dématérialisation ou à la métamorphose des ancrages qui obligent la photographie au réel. Il s’agirait alors d’atteindre à des images mentales, à des projections plus abstraites, soit selon des visées conceptuelles, soit en lâchant la bride aux fantasmes, voire carrément de déplacer la photographie dans des sphères virtuelles au risque de la perdre.
Ces « vues de l’esprit » offrent autant de pistes à explorer que l’ »invitation à clairvoyance » précédente et requièrent les mêmes qualités d’attention et de temps de lecture. Mais si ce n’est plus la transparence ou la relative opacité du médium photographique qui est en cause, ni l’accès plus ou moins facile à ce qui est donné à voir, on trouvera encore des ricochets de sens qui provoquent le regard au-delà du premier degré et l’entraîne d’indice en indice vers autre chose.
L’objectif principal est de voir la pensée fabricante d’idées / formes à l’oeuvre, alors qu’elle investit la photographie comme vecteur d’expression et matériau de travail.
La plupart des projets passent par l’emprunt d’éléments du monde visible pour tenter de traiter de l’invisible et de l’esprit, rendre intelligible ce qui n’est pas montré, ce qui n’est pas montrable, mais qui peut se situer dans l’écart. Entrouvrir l’image sur un bâillement, un battement, le faire affleurer jusqu’à faire prendre conscience d’un au-delà ou d’un en deçà , en traduisant ce qui est de l’ordre du spirituel et ne peut faire image directe.
Une sorte de mémoire intrinsèque, atavique, peut parfois monter à là surface de photographies presque anodines, sans qu’on sache d’où elle provient mais avec la force d’une révélation. Elle finit par imposer au regard une collecte de sens, une mise en ordre d’essence narrative, la restauration d’aspects tragiques de l’histoire, ou l’agitation d’histoires ordinaires comme autant de signes qui président à des changements urbains, économiques, sociaux, comportementaux.
D’autres projets s’appuient sur des dispositifs de capture pour faire image de ce qui n’a pas réelle consistance matérielle, mais pourtant impressionne – à tous les sens du terme – de son énergie, ou par son déplacement, le support photographique, en donnant corps visuel à des apparitions.
Le rêve, le désir sont aussi des vues de l’esprit tant qu’ils ne sont pas satisfaits, et la photographie excelle à les manifester, particulièrement en empruntant la voie métaphorique: produits scellés sous plastique qui promettent des merveilles tout en les maintenant à distance, ou encore figures féminines de luxure en projection lumineuse, doublement fictives.
Et que dire de ces images de crânes, clos sur le vide déserté d l’esprit qui les a habités, comment ne pas imaginer qu’y vibrent encore des lambeaux de pensée, de souvenirs, de projets, des traces d’un regard détourné du monde mais qui en conserve des images ? Et comment affronter le simple mot « Quoi » inscrit en blanc sur un écran noir, qui porte une telle charge d’autosuffisance qu’il fait image de toutes les interrogations possibles ?
L’exercice du regard est précieux, périlleux même quand il s’affronte au mystère, et que tenu en éveil, il doit recourir au questionnement de l’ensemble des ressources cérébrales pour appréhender le contenu d’une oeuvre et les enjeux qu’y a placés l’artiste. Les champs particuliers de la photographie comme terrain de manœuvres du regard sont le privilège offert par la galerie, tout au long de l’année 2008 à ceux qui y feront halte.