ART | EXPO

Echafaudages du quotidien

28 Août - 10 Oct 2015
Vernissage le 28 Août 2015

Puisant dans l’essence et la symbolique de matériaux méticuleusement sélectionnés, Lionel Sabatté s’empare de leurs qualités plastiques et de leurs propriétés rebutantes pour les transformer en personnages, paysages, animaux et autres créatures hybrides. Il déploie ainsi un imaginaire prolifique profondément inspiré par la nature.

Lionel Sabatté
Echafaudages du quotidien

Lionel Sabatté fabrique des espaces narratifs peuplés de créatures fantastiques réalisées à partir de matériaux prélevés de leurs contextes originels. Avec une approche de type protéiforme (peinture, sculpture et dessin), il produit une réflexion sur le temps qu’il matérialise à travers une pratique de l’hybridation: de matières, de formes et de références.

L’artiste puise dans l’essence et la symbolique des matériaux méticuleusement sélectionnés. Il les observe, les expérimente pour mieux les comprendre et en faire surgir de nouvelles histoires, de nouvelles temporalités. De la poussière, du béton, du bois, des ongles, des cheveux, de la peinture, il extrait des personnages, des paysages, des animaux et des créatures hybrides. En s’emparant du matériau, de ses propriétés rebutantes comme de ses qualités plastiques, il opère à un processus de transformation. Lionel Sabatté déploie ainsi un imaginaire prolifique profondément inspiré par la nature: sa beauté, sa magie, mais aussi ses facettes monstrueuses et mystérieuses.

Ainsi, il récolte patiemment nos déchets. Dans les couloirs du métro parisien, il récupère les poussières des passants. À partir des moutons grisâtres, il sculpture une meute de loups en chasse. Chacun d’entre eux est marqué physiquement, du loup hurlant à la lune, campé sur ses quatre pattes, au loup épuisé, le corps écrasé contre le sol, l’artiste transcende la poussière. Un matériau que nous retrouvons dans ses peintures aux tonalités abyssales. Sur la toile s’arriment des agrégats poussiéreux qui se déposent au fil du temps. L’artiste y ajoute un motif qui se fait récurrent: des allumettes. Symboles de lumière et de chaleur, elles guident les compositions obscures. À travers elles, il développe une réflexion sur l’essence même de la peinture. Fabriquée à partir de pétrole, elle contient le produit d’énergies fossiles auxquelles l’artiste souhaite rendre hommage. Il s’attache ainsi aux origines ancestrales du medium. Sur le papier, les cheveux s’entremêlent au trait du crayon pour engendrer à un ensemble de figures aux postures étranges, fantasmagoriques. Des figures androgynes surgissent de la matière. Nous les retrouvons également agrégés à des flaques de béton déversées sur des feuilles de papier. La matière brute devient alors un territoire que l’artiste explore par le dessin, la gravure et la brûlure. Il y incruste des visages et des corps emprunts d’un héritage surréaliste assumé.

Toujours avec une perspective de réhabilitation, Lionel Sabatté recueille les matériaux délaissés. À l’image des papillons considérés comme impropres à la collection par les spécialistes. Parce qu’ils leur manquent une antenne, qu’une aile s’est déchirée ou qu’un corps se trouve amputé, les papillons perdent leur valeur intrinsèque. L’artiste décide alors de leur offrir une nouvelle existence en procédant à des actes de réparations: il reconstruit les parties blessées au moyen d’ongles coupés, assemblés entre eux. Munis de leurs nouvelles ossatures, ils adoptent un statut hybride, mi-insecte, mi-humain. L’ensemble des créatures se situe à la lisière entre deux mondes, entre la vie et la mort, l’apparition et la disparition, la bienveillance et le danger, la confiance et la méfiance. Elles incarnent un équilibre trouble, précaire. De l’informe et l’impropre, Lionel Sabatté produit des œuvres aussi déroutantes que poétiques. Les matériaux, rudes et primitifs, servent ainsi une réflexion sur notre rapport au temps, au corps et à la perte. L’artiste porte un regard subtil et sensible sur histoire et la mémoire.

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