Guillaume Linard-Osorio
Ecce terra, et cetera
Guillaume Linard-Osorio prélève et manipule des matières, des images et des récits issus de l’architecture moderne en déplaçant leurs usages et leurs significations. Il les considère comme une matière «seconde» propre à être transformée. En creusant, frottant ou fardant du ciment et du béton, l’artiste singularise des matériaux universels, emblèmes d’une mondialisation économique et esthétique: blocs de ciment et sable habités de perles synthétiques, panneau de particules enduit d’une pulvérisation de poudre d’extincteur.
La gestuelle est très importante, elle donne une nouvelle épaisseur à ces éléments banalisés, elle permet d’éprouver physiquement la matière en recréant une relation à l’échelle du corps. Dans ces processus de transformation, les dimensions prosaïques des matériaux se chargent de qualités picturales (disques de béton rehaussés de fard à paupières, feuille de BA13 coupée en deux, accrochée comme une toile) et sculpturales (moulage d’une balle de jeu en ciment parasitée par des chewing-gums). Les références au modernisme dévient alors vers des dimensions sensuelles et brutalistes.
A une autre échelle, Guillaume Linard-Osorio questionne l’histoire des utopies urbaines. La vidéo Os Candagos, ainsi, met en perspective les images d’un film d’aventures (L’Homme de Rio, Philippe de Broca) dont certaines séquences ont été tournées dans Brasilia en chantier avec l’histoire de ses ouvriers bâtisseurs, privés de la possibilité d’une ascension sociale car relégués aux franges de la ville.
En s’appropriant différents aspects de l’histoire industrielle et esthétique de l’architecture, l’artiste crée un monde dont l’homogénéité apparente se mue en formes et récits aux destins suspendus.
Alice Laguarda