ÉCHOS
13 Mai 2011

Ebullition dans l’art: lettre ouverte au ministre de la Culture

PCommuniqué de presse
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Le futur Palais de Tokyo, pas plus que la scène artistique française, n’a besoin ni d’un tyran ni d’un sauveur, encore moins d’un fossoyeur (ce qui revient souvent au même). Mais plus clairement d’un directeur-administrateur et d’un directeur artistique capable d’organiser un programme à la fois cohérent et hétérogène sur le site de création contemporaine (l’actuel Palais de Tokyo) et ces fameux sous-sols appelés à être dévolus à la scène française.

Monsieur le Ministre,
Jusqu’à présent, la bataille qui se joue autour du Palais de Tokyo et de son extension en sous-sol, et qui a connu un nouvel épisode avec le repli d’Olivier Kaeppelin sur la Fondation Maeght, a toujours été dans le même sens: de tentative de putsch en guerre d’usure intestine, c’est chaque fois une lutte pour le pouvoir absolu dont nous avons été les spectateurs, pour la main-mise sur l’ensemble du site, sa direction et sa programmation. On a vu déjà plusieurs têtes se hisser et tomber, au risque à la longue de discréditer le projet et l’institution — n’empêche, la proie fait visiblement envie aux bêtes de pouvoir.
Or le futur Palais de Tokyo, pas plus que la scène artistique française, n’a besoin ni d’un tyran ni d’un sauveur, encore moins d’un fossoyeur (ce qui revient souvent au même). Mais plus clairement d’un directeur-administrateur et d’un directeur artistique capable d’organiser un programme à la fois cohérent et hétérogène sur le site de création contemporaine (l’actuel Palais de Tokyo) et ces fameux sous-sols appelés à être dévolus à la scène française.

D’ailleurs voilà longtemps que la scène artistique française n’espère plus la venue de son messie. Elle n’a attendu aucun sauveur pour voyager et être exposée de San Francisco à Karlsruhe, de la Tate Modern de Londres au KW de Berlin. Ces péripéties de palais ne l’ont pas empêché aujourd’hui, et depuis quelques années déjà, de se réengager sur la voie d’une circulation à l’international tandis qu’elle s’expose aux côtés d’artistes internationaux entre les murs de nombreux centres d’art de banlieue et de province.
Le nier, tout attendre d’un seul homme, c’est faire bien peu de cas de tous ces acteurs qui oeuvrent au quotidien, sans coup d’éclat mais avec efficacité : dans les écoles d’art, les centres d’art, les musées et les frac, dans les galeries, et via le réseau ouvert des commissaires indépendants, de plus en plus nombreux. Sans jamais se borner à circonscrire la scène française, ces acteurs divers ont toujours su mêler artistes français et étrangers, menant des actions qui se sont avérées bien plus efficientes, sur la durée, que des stratégies événementielles et dispendieuses comme la Force de l’art au Grand Palais.

Comme en politique politicienne, la guerre des personnes entraîne l’absence d’un débat de fond. Quel est précisément le programme à venir des extensions du Palais ? S’agit-il simplement de combler les lacunes anciennes du Centre Pompidou et d’y organiser des sessions de rattrapage pour des artistes délaissés ? S’agit-il plus encore d’une simple visée identitaire avec des artistes «confirmés français» ? Ou veut-on y construire une idée autrement plus complexe et dynamique de la scène française, hétérochrone, intergénérationnelle, aux acteurs nombreux et divers (loin de tous arpenter les moquettes des couloirs ministériels), et surtout traversée par une mondialisation dont certains ici semblent n’avoir encore pas pris la mesure ? De guerre lasse, nous demandons que votre Ministère se prononce à ce sujet.

Nous attendons que le destin et la mission du Palais de Tokyo soient clairement établis et investis. Nous demandons que soit mise en place une procédure claire de désignation des futurs directeurs. Non pas un faux concours discréditant l’institution, non pas une désignation transcendantale qui ne serait jamais que le plaisir du prince. Mais comme cela se fait partout ailleurs dans le monde (de l’art) : via un appel d’offre ouvert et international et une commission indépendante d’experts français et étrangers. C’est à ces seules conditions que nous semble possible le rétablissement d’un projet discrédité par tant d’intrigues et de guerres de tranchées.

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