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Eaux

27 Fév - 11 Avr 2009
Vernissage le 27 Fév 2009

La série Water de Hou Yong est composée de peintures hyperréaliste figurant des pans d’eau en mouvement décontextualisés, confinant le sujet à l’abstraction. Parfois, le référent humain - un baigneur - nous plonge au coeur de la matière.

Communiqué de presse
Hou Yong
Eaux

« Rien n’est plus souple et plus faible que l’eau, mais pour enlever le dur et le fort, rien ne la surpasse et rien ne saurait la remplacer. » Lao Tseu, Tao Te King, LXXVIII, 570-490 avant J.-C

La Galerie Paul Frèches présente l’exposition des Eaux de Hou Yong, inaugurant une nouvelle collaboration avec ce jeune artiste pékinois remarqué récemment par l’éminent critique et curateur chinois Pi Li. Tour à tour hyperréalistes et abstraites selon la distance qui nous sépare d’elles, ses peintures insufflent une sensation de calme, malgré la nature intrinsèquement mouvante de l’élément représenté ou, au contraire nous plongent dans l’angoisse de cette réalité insaisissable.

Hou Yong répète et prolonge à l’envi un anti-motif d’un tableau à l’autre : l’eau, représentée légèrement en plongée. La série Water utilise le vocabulaire hyperréaliste du sharp focus dans des peintures figurant des pans d’eau en mouvement décontextualisés (all over), confinant le sujet à l’abstraction. Parfois, le référent humain – un baigneur – nous plonge au coeur de la matière.

Si la peinture témoigne actuellement d’une réelle vitalité sur la scène de l’art contemporain chinois, on pourra déplorer cependant une certaine uniformité des formes. Les oeuvres de Hou Yong, silencieuses, découlent d’un processus lent : un décalage assumé avec le néo-pop clinquant ou autres clichés mal digérés de la postmodernité occidentale, réalisés à la chaîne et rapidement consommés… « Mes peintures prennent l’apparence de photographies, elles découlent  d’un processus répétitif, long, qui m’apaise. Chaque motif de vague est une énigme infinie, toujours changeante. Chaque vague ressemble à la prochaine, qui sera pourtant complètement différente. »

Approfondir

Depuis bientôt quatre ans, le motif se répète inlassablement : des lignes courbes, formant les éléments visuels d’une eau frémissante. Des pans de mer : l’eau, « et rien d’autre » (Wu Ling, Investigating water), comme une obsession. Telles sont les images dont Hou Yong nous propose de faire l’expérience. Comme il le dit lui-même, c’est sur le terrain de l’expérience de la perception que se situent les enjeux de sa pratique, affirmation qui vaut tant pour l’artiste que pour le regardeur. L’action de peindre et celle de contempler induisent des modulations subtiles de la conscience, qui sont au coeur de la réflexion de Hou Yong. Restait alors à trouver un sujet qui permette de faciliter, voire d’amplifier ces modulations…

De l’océan, on saisit intuitivement le mouvement, la respiration des vagues, leur répétition : une énergie. Cette énergie est la résultante d’innombrables forces contradictoires liées au relief, au climat, et à toutes sortes d’éléments extérieurs (de la lune aux animaux marins !) qui produisent sur l’eau des effets allant de l’imperceptible au plus considérable. Fluide, souple et translucide, l’eau est par excellence l’élément propice au changement, et un espace de complexité que l’on pourra appréhender de multiples façons. « La surface en apparence paisible dissimule une très grande force. Cette force explosive est absorbée par l’artiste et exprimée au hasard par des traînées de peinture » nous dit Wu Ling, évoquant l’un des aspects de cette complexité.

Dès lors, on aura compris que le motif de l’eau importe moins que les qualités intrinsèques de l’élément, qui contient en lui l’origine et la fin, la familiarité et l’altérité, et toutes autres qualités qu’on peut attribuer au réel dans son ensemble. Constatons cette ambivalence dans les peintures de Hou Yong : Water donne en effet une impression de calme – particulièrement lorsque l’artiste utilise des couleurs claires – alors même que l’élément représenté se meut perpétuellement.

Pourtant, ce calme est souvent altéré par une sensation d’angoisse (en Chine l’une des émotions associées à l’élément en question est précisément la peur), particulièrement dans les peintures les plus sombres, qui se dérobent soudainement à l’intelligence du regard… Par sa peinture, Hou Yong approche une réalité insaisissable, et nous invite à pénétrer dans le champ de l’expérience, en étant attentifs à une image et surtout à la façon dont nous la percevons, en laissant agir une partie de notre conscience.

Pour un Occidental, le choix d’un tel sujet, quand bien même il serait le fruit du pur hasard, témoigne de l’attachement – encore – marqué de la société chinoise aux philosophies et sciences traditionnelles, tout à fait palpable dans l’art contemporain, de Chen Zhen à Cai Guo-Qiang. On pourrait évoquer notamment la nécessaire harmonie entre l’homme et son environnement, qui est l’une des constantes dans la philosophie traditionnelle en Chine.

Toutefois, Hou Yong ne semble pas privilégier cette piste. Il est d’ailleurs réservé sur la propension des artistes chinois à se baser sur ces principes. Fort du constat qu’« actuellement, le fond culturel est très atteint et la société entière s’occidentalise à une vitesse folle », il affirme cependant : « L’art chinois ne nous montre actuellement que de simples représentations superficielles de la culture traditionnelle, les artistes qui y recourent le font pour se distinguer des autres »…

Pour éviter les pièges de l’interprétation inhérents au décalage culturel, revenons sur le errain de l’expérience, qui nous procure un socle plus stable pour appréhender l’oeuvre. Commençons par considérer l’expérience de Hou Yong, lorsqu’il peint. On pourrait la décrire comme une forme d’ascèse, puisque le travail est organisé selon un protocole strict, répétitif et très long. Hou Yong insiste sur les sensations qu’il éprouve, comme le vertige, la perte de repères, l’angoisse, et finalement l’apaisement. Si l’acte de peindre suppose tout à la fois un mélange d’abandon et de contrôle, il est avant tout pour lui une forme d’investigation. Celle de son intériorité, de ses sensations, et des glissements d’un état à un autre.

Ces glissements sont essentiels, et marquent l’oeuvre jusque dans sa structure sérielle. Chaque oeuvre est réalisée dans le prolongement de celle qui la précède, et quel que soit son format, elle est invariablement produite en un cycle de vingt jours à un mois. Mais la sérialité ne suppose pas de systématisme ici, chaque toile restant « ouverte à l’imprévu, l’inattendu ». Le passage d’une toile à l’autre correspondant à un changement d’état.

Quant à l’expérience du regardeur, elle est également marquée par l’instabilité, les toiles prenant tour à tour une forme hyperréaliste ou complètement abstraite, selon la distance de laquelle on les regarde, mais surtout, selon le régime de perception adopté.

Vernissage

Jeudi 26 février 2009. 18h-21h.

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