Floor of the Forest (1970) est la première pièce présentée dans le cadre des Early Works de Trisha Brown au Château de Chamarande. Une installation plastique intrigante composée de cordes et de linges suspendus évoque l’intérêt premier de la chorégraphe pour défier la gravité, depuis Ballet en 1968.
A l’intérieur de cet étendoir géant, deux danseurs évoluent en silence, de vêtement en vêtement, suspendus comme à l’intérieur de hamacs. Ils testent avec lenteur quelques postures et s’abandonnent dans des immobilités extatiques proche des sculptures du Bernin.
Cette pièce s’étire dans la durée et propose l’expérience d’une méditation corporelle qui découvre au fur et à mesure les joies de la suspension, le goût d’une mise en tension du corps entre gravité et apesanteur. Ils savourent dans le vêtement poses et pauses évoluant de débardeurs en short XXL.
Près des douves, un danseur, de blanc vêtu, expérimente un exercice d’équilibre avec un bâton, Sticks. Il semble mu par un objectif étrange. Le spectateur ne sait pas quel sera la teneur de ce programme. La tension est grande chez le danseur. Il semble se préparer à un exercice acrobatique d’une grande complexité, un jeu d’équilibre requérant ses forces les plus profondes.
Or, le mouvement effectué avec présence, lenteur et gravité, s’avère d’une évidente simplicité. Au final, il réalise une sorte d’attitude sans déséquilibrer le bâton, posé sur sa tête et tenu par l’extrémité de son pied droit. Ainsi, maintenu, il forme un angle aigu avec le sol. Une tension est générée par la grande concentration du danseur qui semble davantage entrer dans une posture de yoga que dans une action dansée.
Dans les douves maintenant, deux danseurs dos à dos, lestés aussi d’un bâton, tentent d’expérimenter une action symétrique qu’ils ont d’ailleurs un peu de difficulté à coordonner dans le temps. Il s’agit, cette fois, d’un simple retournement, d’un passage d’une posture verticale à une posture horizontale et d’un équilibre qui visuellement rappelle l’esthétique minimaliste américaine des années 1960 caractérisée par un souci d’économies de moyens.
Toujours dans les douves, quatre danseuses allongées dans l’herbe, vêtues de blanc et immobiles — l’espace entre elles, identique, est méticuleusement millimétré — effectuent des séries de mouvements simples répétés selon des variantes subtiles et une logique de circularité. L’esthétique de cette Accumulation demeure minimaliste et la mise en scène visuelle rappelle les partis pris de la sculpture horizontale de Carl André et ses structures modulaires.
Dans la même lignée, 5 danseurs, munis chacun d’un bâton, tentent de composer une ligne en prenant appui sur un tronc d’arbre. L’objectif de la pièce semble visuel avant tout et expérimental : tenter d’unir les 5 bâtons en une unique ligne stable. Les mouvements se réduisent, en effet, à une tentative de passage à l’horizontal d’un côté de l’autre de la ligne.
Dans le parc toujours, une musique pop des années 60 met en perspective deux danseurs très éloignés. Au loin, ils composent des mouvements strictement identiques dans une temporalité parfaitement calée.
Près de la fontaine, une pièce sonore, Figure Eight, qui rappelle le bruit du métronome, anime de façon semblable huit danseurs avec la précision et la régularité d’une horlogerie suisse.
Une dernière pièce, Spanish Dance, composée de cinq danseuses toujours alignées au cordeau fait se déhancher une interprète à l’extrémité de la ligne au son d’une musique pop, tandis que les quatre autres restent immobiles. Peu à peu, elle s’approche de la quatrième danseuse immobile, et comme par contagion tactile, l’anime et ainsi de suite jusqu’à ce que la ligne perspective initiale s’écrase totalement contre l’arbre et que les cinq corps ne forment plus qu’une seule masse contre le tronc. Â
— Conception: Trisha Brown
— Interprétation: Todd Stone, Leah Morrison, Hyun Jin Jung, Tony Orrico, Todd McQuade, Tamara Riewe, Judith Sanchez Ruiz, Melinda Myers, Laurel Tentindo
Sticks (1973)
Accumulation (1971)
Floor on the Forest (1969-1971)
Group Primary Accumulation (1973)
Spanish Dance (1973)
Figure Eight Â