ART | EXPO COLLECTIVE

È pericoloso sporgersi

04 Juil - 23 Août 2008
Vernissage le 03 Juil 2008

Conçue par deux commissaires d’exposition, l’une italienne, l’autre française, cette exposition invite trois artistes italiens à investir la question du danger comme un moment esthétique.

Michael Fliri, Marco Scifo, Maria Francesca Tassi
È pericoloso sporgersi

Phrase énigmatique et imprononçable en français, «È pericoloso sporgersi» induit au moins sur le plan de la graphie un air de déjà-vu pour nombre d’usagers des trains. Attachée à la signalétique des wagons de chemin de fer des Ferrovie Statali italiennes, à une époque où les fenêtres s’ouvraient encore, la formule péremptoire était impeccablement gravée sur de petites plaques de métal ou de plexiglas.

Inséparable d’une odeur de crasse et de cendre froide et d’inoubliables heures de retard dans de vieux trains déglingués, qui ne sont plus aujourd’hui ce qu’ils étaient, elle avait son équivalent allemand «Nicht hinauslehnen» et anglais «Do not lean out of the window». Mais ce seraient déjà là d’autres projets d’exposition… Traduite par «Ne pas se pencher au dehors», la sentence avait une dimension plus inquiétante dans sa version italienne puisqu’un danger y était évoqué. Une traduction littérale aurait donné plus précisément: Il est dangereux de se pencher au-dehors.

Dans son titre et dans sa conception, l’exposition ouvre sur plusieurs pistes et notamment celle d’une potentielle dangerosité de l’art et/ou de la vie. La violence dont il est question peut être entrevue à différents niveaux. Elle pourrait être issue du geste artistique, ce qui supposerait alors que le regardeur accepte de s’extraire d’une réalité normée et qu’il prenne le risque de pencher la tête du côté des oeuvres quitte à en faire les frais. L’art serait alors envisagé comme un espace fort de dissidence face au réel. Par ailleurs, l’état d’urgence évoqué par le titre autoritaire de la manifestation pourrait s’avérer comme une hypothétique réponse des artistes, en général, à la perte de l’aura de l’oeuvre d’art dans un monde narcissique entièrement occupé par son autoreprésentation, un monde saturé d’images à l’indiscutable efficacité avec lesquelles l’artiste ne peut plus guère rivaliser. En bref, compenser l’affaiblissement de l’aura de l’oeuvre en injectant à cette dernière la notion de péril.

Inversement, il se pourrait aussi que l’artiste ne perçoive que des effets de réel depuis la bulle dans laquelle sa pratique opère. Le péril serait alors du côté des événements qui mènent le monde. Dans tous les cas, c’est d’une affaire de limites dont il est question, reste à savoir de quel côté on se trouve. On aura compris, il s’agit de ne pas se contenter de regarder l’art ou le réel à travers une vitre, que l’on soit artiste ou regardeur, mais d’accepter le corps à corps quitte à s’exposer à un choc. Accepter l’accident comme une expérience de la vitesse, à la manière dont Marinetti entrevoyait déjà le déclin du futurisme au moment même où il naissait, sur les bas côtés d’une route, dans une carcasse d’automobile, le moteur encore fumant.

Au-delà du trajet Milan-Nice évoqué par le déplacement géographique des artistes et des oeuvres, il s’agit aussi d’une rencontre entre deux historiennes de l’art: Stefania Meazza et Catherine Macchi. L’exposition fait l’objet de deux regards critiques différents, inaugurant la collaboration entre des curatrices d’appartenance culturelle différente, chacune écrivant dans sa langue maternelle.

Deux regards et deux langues, donc, pour identifier le travail de trois artistes de la même génération, issus des antipodes de la botte italienne, depuis les Dolomites jusqu’à la Sicile. Si les pratiques de ces trois jeunes artistes explorent des techniques et des savoir-faire différents, ce qui les réunit est certainement un sentiment d’inquiétude empreint de mélancolie à l’égard des choses de la nature dont ils font tous le constat d’une perte progressive. Les éléments naturels sont, en effet, à l’honneur chez ces trois artistes qui, tout menant une existence très urbaine, sont originaires de zones rurales et semblent porter en eux une nouvelle forme de conscience écologique qui, si elle ne s’annonce pas comme un combat ouvertement politique, s’énonce comme un nouveau moment esthétique, une sorte de post arte povera qui interroge divers modèles : la performance pour Michael Fliri, la tradition picturale pour Maria Francesca Tassi et la sculpture pour Marco Scifo.

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