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A l’invitation de la galerie associative France Fiction, Pierre Leguillon a répondu par un processus poétique à l’esprit du lieu et du collectif. L’artiste a extrait trois objets de sa collection personnelle en rapport avec France Fiction, qu’il met en vente sur le blog : http://france-fiction-leguillon.blogspot.com/. Pierre Leguillon endosse à la fois le rôle d’artiste, de commissaire, voire de « commissaire – priseur » bien que cette vente aux enchères ne soit pas uniquement basée sur l’argent. L’objet sera remis au « mieux-disant », c’est-à-dire à l’enchérisseur qui aura le mieux argumenté son envie de posséder la pièce ou son rapport personnel à celle-ci. L’artiste choisira, à l’image des galeries sélectionnant les acheteurs, le meilleur placement pour ses pièces, l’acquéreur qui prolongera l’histoire fictionnelle ou réelle de l’objet.

Montrés chacun leur tour pendant une semaine, les objets sont disposés sur un socle, directement sur leur cartel, le cachant de fait. Le dispositif est visible depuis la rue, renvoyant la vitrine de France Fiction à l’écran d’ordinateur, où peut se prolonger l’exposition par le blog. Face réelle, pile virtuel.

Le premier objet est une poignée de porte et une partie d’huisserie de la caisse du cinéma Marivaux au Luxembourg, réalisée par les Ateliers Jean Prouvé en 1938-39, sorte de « Gordon Matta Clark inversé ». Le choix de la poignée de porte fait directement écho à l’absence de poignée de porte chez France Fiction.
Lors de la destruction du cinéma, Pierre Leguillon s’est empressé d’aller sur place sauver des fragments de la perte. L’objet existe par le geste héroïque et patrimonial de l’artiste qui le signe symboliquement comme le ferait un archéologue exhumant un tesson.

Le second objet est une feuille de tirage off-set de fac-similés d’une couverture d’un roman de série noire intitulé « Un beau carton », utilisé comme carton d’invitation pour l’exposition au Frac Champagne-Ardenne en 2008. Signé Jacques Prévert, qui aurait « inventé » le nom de série noire (attribution confirmée par le témoignage de la petite fille de Jacques Prévert le soir du vernissage chez France Fiction) et Pablo Picasso et Germaine Duhamel, qui ont dessiné l’identité visuelle de la série noire, le titre en forme de name-dropping propose une signature glissante.
Les questions de l’appropriation et de la signature sont un élément fondamental de l’œuvre de Pierre Leguillon (on se souvient de l’exposition intitulée « Cherchez l’auteur » au Cneai en 2006) et le rapport entre la signature et la vente est annoncé par le carton d’invitation : une publicité ready-made des années 80 pour la carte bleue dont le slogan accrocheur est « signer, c’est payer ».

Enfin, le dernier objet est un numéro de la revue américaine Esquire dont Diane Arbus était collaboratrice. Le numéro de mai 1971 montre une photographie d’un couple formé au hasard d’un tirage au sort lors d’un bal et habillé en roi et reine.
La scène est à l’image même du processus créatif à l’œuvre, un moment fictionnel formé au hasard, et en réponse au collectif France Fiction, festif et travesti.

Décrire une exposition de Pierre Leguillon est déjà en soi raconter une histoire. Il n’est pas tant question du regard du spectateur que du jeu entre la (France) fiction et la vérité dans cette exposition.
Ames romanesques, fétichistes, collectionneurs, à vos claviers !

Publications

— Désirs d’ailleurs, sous la direction de Pierre Leguillon, Coédition Actes Sud/ AFAA, Paris,1998.
— J’ai la mémoire qui planche, Raymond Hains et Pierre Leguillon, Edition Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou, Paris, 2007.

Pierre Leguillon
— Ateliers Jean Prouvé, Poignée et serrure pour la caisse du cinéma Marivaux, Luxembourg, 1938-1939. Acier et peinture. 20 x 24 cm.

— Jacques Prévert, Pablo Picasso et/ou Germaine Duhamel [attribué à ], Couverture de la collection Série noire, Gallimard, Paris, 1945. Feuille de tirage off-set de fac-similés du vol.145, réalisés pour l’exposition « Le dernier qui parle », Frac Champagne-Ardenne, Reims, 2008 (22 ex.). 49, 6 X 69,6 cm.

— Diane Arbus, Yatta Granat, soixante douze ans, et Charles Fahrer, soixante dix neuf ans, ne s’étaient jamais rencontrés avant que leurs noms ne soient tirés d’un chapeau au bal des anciens de la Ville de New York. Ils règnent pour la soirée en tant que roi et reine du bal, Esquire, Mai 1971, p.118. 26 x 33, 4 cm (tirage non spécifié).

— Carton d’invitation. 7 x 10,5 cm

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