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Dynamo

PPhilippe Coubetergues
@12 Jan 2008

Nicolas Chardon peint sur des tissus à carreaux, tendus et agrafés sur châssis. Il n’utilise que deux couleurs, le noir et le blanc, rappellant la naissance de l’abstraction (plutôt côté Malévitch), l’ironie en plus.

Jean Brolly consacre actuellement sa deuxième exposition personnelle au jeune peintre Nicolas Chardon. La galerie municipale Edouard Manet de Gennevilliers l’avait également exposé cet automne.

La ligne de conduite de cet artiste est claire et sereine à l’image de cette ligne horizontale qui traverse le polyptyque qui nous accueille en entrant. Il peint sur des tissus à carreaux, tendus et agrafés sur châssis. La tension entraîne une déformation de la trame orthogonale de la toile. Le parallélogramme du châssis lui ne varie pas ; les ondulations du motifs en ressortent d’autant plus. La peinture recouvre entièrement la surface du tableau. Le champ de la toile reste immaculé.
Il n’utilise que deux couleurs, en l’occurrence le noir et le blanc dans les toiles actuellement exposées. La forme peinte s’inscrit dans la grille déformée du motif imprimé. D’intention géométrique, la composition semble s’être assouplie. Le carré blanc sur fond noir s’est ramolli.

Le fil de cette ligne claire remonte à un siècle en arrière. Le vocabulaire formel rappelle en effet la naissance de l’abstraction (plutôt côté Malévitch), des rectangles, des triangles, des carrés, noirs sur fond blanc et inversement, qui s’organisent selon une grille sous-jacente pré-tracée. Une réduction de la peinture à une variation de ses éléments essentiels. Le protocole en revanche pencherait plutôt du côté de Support/Surface. Le contenu enfin relève explicitement de la citation sur un registre qui oscille entre la révision et l’ironie.

La démarche est soignée, rigoureuse. La superposition des motifs fait écho au rappel stratifié des références. La peinture prise au piège de sa mémoire condamnée à l’éternelle citation. La proposition n’est cependant pas exclusivement tournée vers le passé. L’échappée se joue dans la mise en rapport de plusieurs registres aussi radicaux qu’incompatibles. Leur combinaison déjoue la lourdeur de l’emprunt, assouplit la référence. La mise à distance ouvre sur de nouveaux horizons. Et tout redevient possible. L’histoire reprend son cours, « la partie continue » pour rappeler le titre de l’exposition en deux volets de Claire le Restif au Crédac d’Ivry à laquelle Nicolas Chardon avait participé.

Observons maintenant le mobile suspendu dans la partie centrale de la galerie ; il est constitué de deux parties reliées l’une à l’autre par une accroche métallique. Ce sont deux plateaux de contre-plaqué peints en gris recto-verso façon monochrome et provenant d’un seul et même plateau de dimension standard, brisé en deux.
Monochrome, mobile, brisure, ready-made le jeu de la référence est à nouveau explicite. Sans qu’il soit nécessaire de préciser les renvois. Ce qui compte semble-t-il, c’est l’idée d’héritage. Et dans cette exploration des constituants élémentaires de la peinture, l’héritage est chargé. Le terrain est miné. Rien ne peut échapper à la citation. Mais ne serait-ce pas le lot de la peinture depuis toujours ?

Troisième catégorie d’œuvre présente dans l’exposition : les Magnétiques. Sur un support carré fixé au mur, le visiteur peut à désir déplacer des formes carrées, aimantées et de dimensions graduelles. La composition lui revient aux deux sens de l’expression : il la conçoit d’autorité sans échapper non plus à la réminiscence.

Nicolas Chardon ré-infiltre le camp retranché de l’abstraction géométrique hanté par les grandes figures de l’avant-garde et plus généralement celui d’une modernité radicale qui règne sur notre devoir de mémoire. Sans désavouer l’approche analytique et critique de ces « maître anciens », il ré-invente avec évidence et franchise un rapport à l’histoire, une possible émancipation. Il le fait avec la conviction et la légèreté, la fermeté et l’humour, la naïveté et l’insouciance de ceux qui n’attendent pas d’y être autorisé pour avancer.

Nicolas Chardon
— Dynamo (vertical), 2004. Acrylique noir et blanc sur vichy bleu foncé. 162 x 174 cm.
— Développement, 2004. 5 toiles, acrylique noir et blanc sur vichy rouge. 50 x 50 cm (chaque).
— Magnétiques, 2004. 80 x 80 cm.
— Ligne noire, 2004. Acrylique noir et blanc sur vichy bleu foncé. 35 x 200 cm.
— Mobile gris, 2005. Contreplaqué 5 mm peint. 310 x 153 cm.
— Dynamo (horizontal), 2004. Acrylique noir et blanc sur vichy bleu foncé. 114 x 162 cm.

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