DANSE | EVENEMENT

Duo

PSmaranda
@01 Oct 2008

Soufflant dans son cornet à pistons, le musicien tente d’opposer sa désinvolture créatrice aux "attaques" de Boris Charmatz, qui le touche, lui monte dessus, le roule à terre...

Boris Charmatz et Médéric Collignon se connaissent maintenant. Quelque temps est passé depuis leur première rencontre le 8 juillet 2007 lors du festival Parcours de danse, pour une improvisation tenue dans le parc de la Chamarande. Le spectacle proposé dans le cadre du festival Jazz à la Villette n’est pas pour autant plus écrit : il s’agit toujours d’une improvisation, mais celle-ci vient s’inscrire dans un travail en commun dont une autre étape s’est jouée lors de la projection du film Une lente introduction (Mk2 Quai-de-Loire, le jeudi 4/09/08 à 20h), réalisé par Boris Charmatz d’après Herses, une lente introduction, une de ses anciennes chorégraphies. La projection au MK2 Quai-de-Loire était accompagnée par une performance sonore réalisée en direct par Médéric Collignon.

Il serait intéressant de suivre l’évolution des rapports entre ces artistes sur la scène. L’improvisation se tisse à travers des gestes et des sons, mais ils ont appris à se connaître, ils savent maintenant jouer chacun sur la présence de l’autre et les moments où ils se donnent pleinement à ce jeu sont d’autant plus jouissifs.

Pour ceux qui n’auraient pas eu l’occasion d’assister aux rencontres évoquées ci-dessus, Boris Charmatz reste l’imprévisible et le déstabilisateur, quoique la musique créée par Médéric Collignon à l’aide d’un cornet de poche et des machines et sampleurs peut aussi bien être caractérisée comme imprévisible et singulière. Toutefois, Médéric Collignon se situe davantage dans la logique d’une performance sonore, toujours survolté et d’une énergie intarissable et peut être quelque part encore en représentation. Il résiste aux « attaques » de Boris Charmatz, qui le touche, le palpe, lui monte dessus, le prend et le porte sur ses épaules, interfère avec ses machines et le roule par terre. La perplexité de leur première rencontre a laissé la place à une connivence effervescente.

Boris Charmatz, quant à lui, n’en démord pas. Il y a des thèmes qui reviennent à travers plusieurs de ses créations. Il parle, car parler fait partie de sa présence sur scène, et c’est l’une de ses obsessions : tuer de vieux gestes dans son corps. Il crie et il met une note mélodramatique dans le désespoir joué de vouloir dire quelque chose de nouveau quand tout a déjà été dit, reprise au second degré d’une hantise de l’art contemporain. Il y a aussi des bribes de narration d’une trame nouvelle, peut être des bouts d’essais pour ses créations en cours, faisant toujours appel à des images fortes, absurdes, qui pourraient faire penser à une esthétique surréaliste.
En même temps, il y a sa gestuelle et sa manière d’être sur scène, qui montrent qu’il ne s’agit pas d’un simple exercice formel, ni de déclamer des mementos pathétiques.

Dans ces instants d’improvisation, Boris Charmatz se livre à un jeu dangereux, qu’il s’efforce de pousser au plus loin. Dans sa tentative avouée de tuer de vieux gestes, il plonge dans la mémoire du corps, au-delà des strates témoignant d’un quelconque apprentissage. Il parvient à des gestes et postures apparentés à des états extrêmes de conscience dissociée. Son anamnèse charnelle trouve des résonances dans les glossolalies d’Antonin Artaud. C’est un exercice qui pourrait assez vite devenir insoutenable : Boris Charmatz se balance, il rampe, un sourire béant, perdu, figé sur son visage. C’est une démarche radicale et troublante et l’épuisement du danseur ressemble à celui de quelqu’un qui vient de se réveiller d’une transe. La présence de Médéric Collignon avec sa verve insouciante vient dédramatiser la situation et les deux artistes se retrouvent sur les terrains plus stables d’un débordement à la fois ludique et irrévérencieux.

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