Fabrice Hyber
Du pur Hyber…
La première exposition de Fabrice Hyber à la galerie début 2006, « Pétrole », était constituée uniquement de peintures sur toile et sur papier, permettant à un très large public de redécouvrir une partie essentielle de son art: le dessin et les tableaux.
Aujourd’hui, pour cette deuxième exposition personnelle, l’artiste nous offre à l’inverse un panorama représentatif de l’ensemble de sa création protéiforme.
« Du pur Hyber… » par la variété des supports utilisés, d’abord des dessins (à l’origine de toutes ses créations), des tableaux, puis des objets qui sortent des tableaux, donc de nouveaux concepts de « Pof1 », objets / sculptures qui à leur tour donnent lieu à des vidéos.
Ce processus de préparation de l’exposition est calqué sur le cycle par lequel l’artiste donne naissance à ses « pof ». C’est une parfaite illustration de la démarche intellectuelle et artistique de Hyber, pour lequel toute oeuvre / toute action ne constitue qu’une étape intermédiaire et évolutive d’un gigantesque et perpétuel chantier de création, sorte d’immense rhizome qui reflète la prolifération et l’articulation de sa pensée: « peu importe la matérialité de l’oeuvre, seule compte sa capacité à déclencher des comportements ».
Pour compléter cet ensemble, une nouvelle « Peinture homéopathique », sans laquelle cette exposition ne serait pas « du pur Hyber » ! En effet, toute grande phase de travail sur un thème se conclue toujours chez Hyber par la création d’une de ces grandes oeuvres de synthèse, sorte de story-board où sont cumulés toutes les idées, les dessins et les éléments rassemblés par l’artiste sur un thème précis.
« Du pur Hyber… » car cette exposition traite du bio, de l’organique, de l’écologique, sujet que l’artiste a particulièrement à coeur, fil conducteur de sa vie comme de son art. Si le vert s’est imposé naturellement à Fabrice Hyber comme couleur de prédilection dès sa première exposition en 1986, c’est parce que la nature, l’organique et l’écologique (dans une vision progressiste de ces sujets), les plantes et les arbres fascinent depuis toujours ce fils d’agriculteurs élevé en Vendée.
Tous les tableaux exposés sont des compositions très dessinées, chargées de matières, formant des toiles complexes, à l’image de la nature. « La nature ne laisse pas de vide, l’homme non plus ; j’ai donc imaginé une multitude d’animaux-plantes, des plantes presque humaines, comme les résultats d’une mutation, ou de mutations. L’écologie ne doit pas nous faire reculer, ni même, comme elle le fait trop souvent, piétiner. »
Un arbre qui court, une forêt d’animaux-plantes, une voiture « qui pousse », un arbre « branché » sur le monde, un « M.I.T. Man2 » en plantes curatives… À une époque où tous les thèmes liés à l’environnement, à sa préservation et à son développement, deviennent l’épicentre de notre actualité, Fabrice Hyber nous offre ici un nouveau regard sur ce thème emblématique de son travail.
Des projets de Fabrice Hyber liés à la nature
Pour mieux comprendre en quoi cette nouvelle exposition est « du pur Hyber » et s’inscrit dans une démarche artistique globale, pérenne, voici un petit historique des projets de Fabrice Hyber concentrés sur la nature. Pour autant, ce ne sont là que les projets les plus marquants, la nature, l’organique, le bio étant toujours très présents dans l’ensemble de l’oeuvre de Hyber, dont le vert a toujours été la couleur fétiche…
Les « Pof » (Prototypes d’Objets en Fonctionnement)
1991 – « L’Assureur – pof n° 111 »: première oeuvre utilisant un arbre. Il s’agit d’un arbre avec une planche dessus ; l’arbre choqué, se tord, repousse la planche et reprend sa croissance différemment.
« Marqueterie belge – pof n°114 »
« Bonzaï libéré – pof n° 102 »
« Bonzaï à la française – pof n° 130 » (illustré ici)
« Arbre à une feuille – pof n° 58 »
« Arbre peint – pof n° 108 »
« Baiser d’arbre – pof n° 32 »
« La Vallée », depuis 1995
« À côté de chez moi, en Vendée, il y avait des forêts immenses, mais Napoléon les a fait raser. Seule est restée la forêt de Marval. Le terrain s’est asséché, le paysage s’est profondément modifié.
J’ai envie de retrouver cette forêt et tous ses arbres. Je veux reconstituer ce paysage rêvé depuis mon enfance. Alors, depuis plus de dix ans, avec l’aide de mon père qui a une vraie connaissance forestière, je crée sur cent hectares une forêt idéale: des fruitiers, des chênes, des essences tropicales, des arbres rares, etc.
Les graines ne sont pas plantées, je préfère les semer, c’est la méthode la moins traumatisante pour la plante et la terre, c’est aussi celle de l’apprentissage le plus complet ! Et tant pis si ça prend du temps. C’est la vie ! » En 2010, les élèves des écoles de la région se retrouveront dans cette vallée autour du projet « Agriculture et Culture » imaginé par l’artiste.
« Graines de Spar », 1999
OEuvre conçue pour la chaîne d’épiceries de proximité Spar (150 magasins dans toute la France, sauf à Paris) et éditée à 190 000 exemplaires. L’artiste a orné une pochette-surprise de trois dessins reproduisant trois de ses projets.
Le premier: une pluie de graines et de glands intitulée « Semer la forêt pour l’an 2000 », le second « Fan-club des arbres fruitiers dans les villes », le dernier dessin est celui des bouleaux autour de l’Arc de Triomphe. Les « graines aimantées » se fixent sur un support métallique.
Ccac Institute, San Francisco, 1999
Hyber lance le « Mouvement de Libération des Bonzaïs » en invitant le public, après l’avoir fait lui-même, à planter ses petits arbres en pleine terre, dans la cour du musée.
« Inconnu.net », 2000
Fabrice Hyber a fait de l’Arc de Triomphe la métaphore physique d’un portail de la connaissance sur internet. La structure concentrique de la Place de l’Etoile se prête bien à l’évocation du rayonnement de la « toile d’araignée mondiale » ; le monument abritant le Soldat Inconnu en appelle à tous les questionnements.
Une centaine d’arbres encerclant l’Arc viennent parfaire cette idée de représentations de la connaissance aux multiples ramifications. L’artiste a choisi des bouleaux comme espèce d’arbres, évoquant ainsi le réchauffement climatique qui petit à petit transforme le climat tempéré de nos régions en climat nettement plus rigoureux.
Le Printemps de Cahors, 2000
Un manifeste politique pour les arbres: Hyber fait planter 200 arbres fruitiers dans la ville et place devant chacun d’eux une céramique indiquant les dates de floraison et de récolte. « Les fleurs, les fruits, puis les feuilles qui tombent: quel plus beau moyen de rythmer la vie en ville ? Et puis, les arbres décoratifs de nos villes sont là comme des images tandis que les arbres fruitiers apportent de l’information. »
Il réalisera ensuite avec les fruits la « confiture de ville n° 1 » (des coings et des mûres – évocation poétique des murs et des recoins de la ville), puis la « confiture de ville n° 2 » (des amandes et des prunes), portées à chaque destinataire par Eliane Pine Carringhton transformée pour l’occasion en contractuelle.
Les « Culbutos », Nogent-sur-Marne, 2006
Les « Culbutos », projet pour l’estuaire de Nantes, 2007
Les « Culbutos » sont issus d’une « expérience de jardinier » tentée par l’artiste, qui a toujours été fasciné par la culture et par celle des arbres en particulier, soit à la française, où l’arbre / la plante est taillé(e), soit à la japonaise, où l’arbre / la plante est travaillé(e).
Avec le « Culbuto », l’arbre bouge lui-même, donc le sol bouge aussi ; l’arbre va s’orienter selon le Culbuto… Dans le projet de l’estuaire, le Culbuto est un bateau qui flotte, dans lequel l’arbre est planté.
« M.I.T. Man », homme nourrit
Exposition « Matière à penser / Food for thought », Le Laboratoire, Paris, 19 octobre 2007 – 14 janvier 2008
Pour l’inauguration du Laboratoire, lieu dédié à l’art en liaison avec les sciences, Fabrice Hyber a conçu une exposition issue de ses échanges avec Robert Langer, professeur au M.I.T. (Massachussets Institute of Technology), sur le sujet des cellules-souches. Au centre de l’exposition, la sculpture arcimboldesque du « M.I.T. Man », homme nourrit, constituée de fruits, légumes et graines, en rapport direct avec les éléments nutritifs nécessaires à la reproduction des cellules.
Exposition « Seed and Grow (Je s’aime) »
Watari-Um Museum of Contemporary Art, Tokyo, 25 avril – 30 août 2008
« Je sèmerai des idées comme j’ai semé la forêt. »
« L’Art naît de la pensée, de la graine de la pensée, les forêts viennent des graines semées dans la terre. »
Dans un pays très tourné vers la nature comme le Japon, où l’on célèbre chaque printemps la floraison des cerisiers par une semaine de festivités nationales, Fabrice Hyber a conçu son exposition sous la forme de jardins potagers intallés au dernier étage du musée et un peu partout dans la ville.
Et surtout la couleur « du pur Hyber… » la couleur verte
« En 1986, pour ma première exposition, « Mutation », je me suis dit que mon seul outil de communication – livres, brochures, catalogues, cartons etc. – serait le vert, pas un seul vert, plutôt une gamme, une sorte de rayon vert.
Un vert qui renvoie également à la nature et à l’écologie, même si mon vert n’a pas la même nuance que celui des écologistes. Le leur a un côté presque réactionnaire, d’anti-mutation, ce qui est le contraire de tout ce qui me conduit. Aussi, j’ai pris leur vert, l’ai rendu artificiel et en ai fait mon logo.
C’est un vert brillant qui n’existe pas dans la nature, sauf au printemps lorsque tout commence à pousser et que l’on sent partout une énergie décuplée. »
critique
Du pur Hyber