L’univers décrit par Katherine Bernhardt dans ses toiles est tout aussi écœurant que la manière, dont, sciemment, l’artiste fait usage de la peinture. On y croise des petites filles riches se frottant au monde déjanté de la nuit, comme la très jeune Cory Kennedy, bloggeuse californienne, des jeunes femmes russes aux cheveux jaunis par les décolorations (Yellow Russian, 2007), des icônes de la mode en état de décomposition (Karl Lagerfeld, 2007), ou des mannequins célèbres pratiquant assidûment l’auto-destruction, Kate Moss, maintes fois représentée, en étant le modèle absolu ( Kate Moss Destructive. You Want Me To Say Who I Am?, 2007).
A première vue les sujets des toiles de Katherine Bernhardt paraissent donc manquer particulièrement d’intérêt. Et le titre de l’exposition Drunken Hot Girls (Filles ivres et sexy), qui fait référence à une chanson éponyme du rappeur américain Kanye West, fait frémir.
La manière dont Katherine Bernhardt peint ses toiles, par de larges et gras coups de pinceau, dans des couleurs de terre, relevant d’un certain mauvais goût assumé, font d’abord penser que l’artiste elle-même les a peintes en état d’ivresse. Elle affirme d’ailleurs : «Drunken, ce mot pourrait exprimer une façon de peindre… Rapide, dégoulinant, bordélique, beaucoup trop de peinture, avec excès, sauvage, etc.».
Cette peinture lâchée, dégoulinante, relève d’une certaine forme de primitivisme, voire d’une forme d’art primaire, délibérément infantile, de la peinture. L’usage de l’acrylique, matériau ingrat ne permettant pas de subtiles nuances, ajoute à cette impression de laisser-aller, attitude commune à celle des modèles représentés, paradoxalement soucieux de leur image dans ce qu’elle a de plus spontanée.
Occupant tout l’espace de la toile, la peinture de Katherine Bernhardt agit comme ces couvertures de magazines : l’impact visuel doit être immédiat, au prix d’une certaine violence de la représentation, où le modèle semble se projeter hors de la toile. Œuvre sans doute la plus réussie de l’exposition, Valentino (2007) montre un couple de jeunes filles.
L’une, posant sa tête sur les genoux de l’autre, semble dans un état d’éthylisme avancé. L’autre, le regard bleu acier se détachant sur un regard noir, fixe le spectateur. Le rouge des lèvres marque les visages comme des plaies ouvertes. Squelettiques, les corps sont livrés à une vérité sans pitié. Image de la décadence, Valentino rappelle involontairement ces peintures allemandes de l’entre-deux-guerres, notamment les toiles de Max Beckmann aux personnages cernés de noir, figés dans l’insatisfaction d’une fête perpétuelle. Et Katherine Bernhardt de conclure : « La peinture, c’est fun ».
Katherine Bernhardt
— Valentino, 2007. Acrylique sur toile. 244 x 183 cm
— Kate Moss. Cavalli Printemps, 2007. Acrylique sur toile. 183 x 152 cm
— Kate Moss. Silver Suit Versace, 2007. Acrylique sur toile. 244 x 183 cm
— Botticelli, Venus, 2006. Acrylique sur toile. 152 x 122 cm
— Triny & Tobago, 2006. Acrylique sur toile. 244 x 183 cm
— Metallic Blonde New Russians, 2007. Acrylique sur toile. 183 x 152 cm
— Look Out Part II, 2007. Acrylique sur toile. 61 x 51 cm
— Blackheart White Triangle, 2007. Acrylique sur toile. 183 x 152 cm
— Flower Bomb, 2007. Acrylique sur toile. 183 x 152 cm
— Pink Cake (Guess), 2007. Acrylique sur toile. 214 x 304 cm
— Daphne, 2007. Acrylique sur toile. 183 x 152 cm
— Kelis, wife of Nas, 2007. Acrylique sur toile. 122 x 91 cm
— Kate Moss Destructive. You Want Me To Say Who I Am ?, 2007. Acrylique sur toile. 152 x 122 cm
— BCBG Max Azria, 2007. Acrylique sur toile. 244 x 183 cm
— Coco Chanel, 2007. Acrylique sur toile. 122 x 91 cm
— Karl Lagerfeld, 2007. Acrylique sur toile. 122 x 91 cm
— Agyness Deyn, 2007. Acrylique sur toile. 71 x 56 cm
— Yellow Russian, 2007. Acrylique sur toile. 71 x 56 cm
— Orchid, 2007. Acrylique sur toile. 71 x 56 cm
— Orange Face, 2007. Acrylique sur toile. 71 x 56 cm
— Kate Moss Costume Ball at the Met, 2007. Acrylique sur toile. 71 x 56 cm