ART | CRITIQUE

Drift

PJulia Peker
@12 Jan 2008

La galerie Schleicher+Lange présente un ensemble de sculptures et dessins de Franziska Furter, trempés dans l’encre noire d’une nature moléculaire primitive.

La galerie Schleicher+Lange présente la première exposition personnelle de Franziska Furter en France: deux sculptures et deux dessins.
Accueilli par une immense sculpture en papier de plante, le visiteur n’accède à l’ensemble qu’à condition de se frayer un chemin à travers une jungle fragile suspendue au plafond.

Monstera est une plante tropicale connue pour sa vigueur et ses grosses racines apparentes. Franziska Furter restitue la vitalité exubérante de cette végétation grimpante, mais lui insuffle une fragilité aérienne. Accrochée par des filins transparents au plafond, la plante ne présente pas de base au sol, ni racines ni pied central. Les longues tiges auxquelles sont accrochées les feuilles évoquent les pattes d’une gigantesque araignée.

Pour Franziska Furter, la sculpture est une version en 3 dimensions du dessin. Le matériau choisi insuffle mouvement et légèreté à cette œuvre dense et aérée. Les contacts inévitables avec l’œuvre la menace inévitablement d’être froissée. On est obligé de lutter, tant pour ne pas se faire prendre dans les pattes de ce végétal prédateur, que pour ne pas abîmer la structure fragile de cette oeuvre en papier.

Le dessin Can’t Take my Eyes of You II, tout comme Monstera, plonge au cœur d’une nature exotique débordante. Cette impression de profusion est renforcée par une taille monumentale (566 x 218 cm).
Le dessin s’inspire d’une image de manga, reproduite et agrandie jusqu’à la démesure. Ce changement d’échelle perturbe le sens immédiat de l’image. L’œil se perd à plonger dans les détails de ce paysage, et la nature semble abandonnée à elle-même. Il faut s’y reprendre à plusieurs fois pour trouver la juste distance où peut apparaître l’image dans son entier.
Franziska Furter a dessiné en trempant sa plume dans l’encrier: elle fait apparaître les formes en créant de vastes essaims de taches constellées, abandonnant totalement le trait.
L’utilisation du noir et blanc rappelle l’aspect des mangas, où l’inversion des couleurs d’un même ensemble est une caractéristique récurrente. C’est tantôt le blanc, tantôt le noir, qui esquissent les pleins et les vides de ces formes vues à la loupe de l’agrandisseur. Les bosquets d’arbre sont tour à tour noirs et blancs, sans que le regard puisse se fixer à une règle stable.

Posée presque à même le sol, la sculpture Black Hole est une sphère faite de pics noirs, agglomérés à un centre de colle. Image de virus, ou d’oursin, cette boule d’épines est aussi agressive que fragile.

Black Hole reprend en 3D le deuxième dessin, Remind Me, lui aussi constitué de taches d’encre, s’associant pour former des figures atomiques. Le centre du dessin, blanc et vide, semble la source d’une explosion. On ne parvient pourtant pas à décider si tous ces points ont été éjectés par une force centrifuge, ou s’ils s’agglutinent pour disparaître vers le centre.

Les oeuvres de Franziska Furter dégagent toutes une forte ambiguïté. Elles se présentent toujours dans un état instable entre le végétal et l’animal, l’attraction du trou noir et l’explosion, dualité que vient renforcer le strict usage du noir et blanc.

Franziska Furter :
— Monstera, 2006 / 2007. Papier, fil de fer, ruban adhésif.
— Can’t Take my Eyes off You II, 2004. Gouache sur papier. 218 x 566 cm.
— Black Hole, 2007. Bois, colle, peinture. 50 x 50 x 50 cm.
— Remind Me, 2006 / 2007. Encre sur papier. 413 x 208 cm.

AUTRES EVENEMENTS ART