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Dressed to Kill… Killed to Dress…

Depuis ses débuts de chorégraphe, Robyn Orlin s’intéresse à la manière de représenter par la danse les contradictions de la société sud-africaine. Ses spectacles sont aussi des prises de position à la fois ironiques et politiques sur le multiculturalisme créé et subi par différentes sociétés actuelles. Pour cette dernière création, elle s’est inspirée du phénomène culturel créé par les Swankas, groupe composé par des noirs sud-africains qui, la nuit, quittent leurs tenues de travail et s’habillent de complets chics de coupe occidentale. Par leur exhibition publique, ils expriment un éloge de la perfection vestimentaire — par les couleurs et les formes dues à l’assortiment personnel de chaussettes et bijoux, de vestes et chapeaux, de cravates et chaussures.

La chorégraphie Dressed to Kill…Killed to Dress… (habillés pour tuer, tués pour s’habiller) se structure autour du défilé des tenues élégantes des Swankas. Chaque interprète soutient la présentation de son vêtement par une danse et un chant personnels. Les sonorités africaines des musiques et les lumières colorées enveloppent le public d’une atmosphère festive. Selon les conventions des Swankas, le spectacle se déroule comme un concours. Le gagnant sera élu « homme le plus élégant ». Deux présentateurs, un homme et une femme, introduisent les candidats, parlent avec le public, improvisent eux aussi leurs danses. L’homme interprète un présentateur corrompu par le système. Il triche lorsqu’il fait choisir aux spectateurs les entrées des candidats par le biais de billets dans son chapeau : c’est lui-même qui décide de l’ordre des entrées. La femme — son assistante — court, hystérique, des coulisses à la scène, prenant soin des candidats en essayant de s’opposer aux négligences et aux arrogances de son partenaire.

Un vidéo-projecteur montre en fond de scène ce qui se passe dans les coulisses, les disputes entre les candidats, les changements de costumes. Lorsqu’un danseur entre, un clip accompagne sa performance : des images de différents paysages d’Afrique du Sud sont présentées par des actions de l’interprète habillé de vêtements kitchs, mélange d’apparences féminines et masculines.

L’un des candidat entre sans son costume, il est alors jeté hors de scène. Lorsqu’il commence de nouveau la même danse, mais habillé de son complet, il est réintégré dans la compétition par le présentateur. Les danseurs souriants sont réduits à n’être que leur costume, à n’être que leur apparence.

La chorégraphie s’achève avec une danse de groupe, mascarade et strip-tease, aux couleurs roses et marrons. Le présentateur tue son assistante et tous les candidats avant de s’élire lui même gagnant. 

Robyn Orlin a choisi de mêler dans le spectacle cinq interprètes Swankas à certains de ses artistes habituels. Plusieurs solos sont fascinants, mêlent une performance théâtrale esthétisée à des images vidéos grotesques. Mais la danse festive laisse un arrière goût amer : les Swanka jouent avec les apparences sociales dont ils subissent l’oppression dans leur journée quotidienne. Orlin accumule sur scène trop d’images d’une société universelle malade d’apparence. La chorégraphie se vide de son engagement politique en semblant vouloir tout dire sans faire évoluer des vraies réflexions. Le public lit le propos contestataire sur le programme, et s’amuse à regarder le spectacle, mais sans retrouver le propos mis en scène. Robyn Orlin reste pourtant l’une des rares chorégraphes qui tente de représenter les sociétés actuelles et d’employer la danse comme moyen de réflexion critique.

— Interprétation : Adolphus Mbuyisa, Vusumuzi Kunene, Mcebo Zondo, Ignatius Van Heerden, Rafael Linares, Warren Masemola, Nhlanhla Mahlangu, Ann Masina, Toni Morkel
— Vidéo : Nadine Hutton
— Lumières
: Erik Houllier
— Scénographie : Alexandre de Dardel
— Costumes : Birgit Neppl, Olivier Bériot et Luc Guering
— Directrice de tournée : Genny Higgs
— Régie plateau : Thabo Pule

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