L’église a longtemps utilisé les cloches pour annoncer les nouvelles et les grands événements des communautés. Au Centre Wallonie Bruxelles, la cloche couchée à même le sol est désacralisée : transformée en porte-voix géant. Les sons transmis par la cloche de The Dreamers sont composés de chuchotements et de chants reprenant, comme une confession, des faits du monde contemporain : ses contradictions, sa poésie absurde et tragique. Ainsi sont évoquées des questions d’ordres environnementaux, sociaux, politiques et existentiels dont nous sommes tous directement et collectivement responsables.
Dans une version de 2020, à la HAB Galerie de Nantes, la cloche de The Dreamers était placée au centre de l’espace d’exposition et diffusait des sons enregistrés de manifestations, devenant ainsi le porte-voix de messages revendicatifs.
The Dreamers: double sens du modermisme
Dans la version du Centre Wallonie-Bruxelles, la cloche est exposée en extérieur ; elle diffuse la clameur militante de manifestants, entrecoupée de sons de cloches, et entourée de bannières revendicatives. Cet ensemble met la société contemporaine en perspective avec les grandes utopies du XXe siècle, avec les relations complexes entre le progrès technique et l’industrie, entre les révolutions sociales et les désillusions qu’elles ont suscitées. Ainsi s’esquisse une réflexion sur le double aspect du modernisme dans lequel de réelles avancées sociales sont assorties d’une lente déshumanisation.
Au Centre Wallonie-Bruxelles, l’installation The Dreamers est associée à des bannières de révoltes populaires et d’engagement. Des formes géométriques évoquent le modernisme et symbolisent le renouveau, tandis que les mots cousus sur les bannières se réfèrent aux mouvements populaires et aux formes de luttes collectives. L’œuvre fait ainsi signe vers la Beat Génération, l’Internationale situationniste ou les slogans des ouvriers grévistes de Mai 1968.
The Dreamers: Quête d’un renouveau sociétal
Feipel & Bechameil interrogent des univers et des choses qui se transforment ainsi que des idéologies qui mutent. Pour eux le vocabulaire formel des avant-gardes du XXe siècle, la géométrie ou le minimaliste, signifient la quête d’un renouveau sociétal. Ils recherchent un équilibre entre l’abstraction, la simplification minimaliste et une réflexion sur la société de spectacle, technologique et aliénante dans laquelle nous vivons.
Si «l’utopie est un rêve auquel nous avons toujours envie de croire », confient Feipel & Bechameil, ils conviennent que « certaines idéologies du XXe siècle ne tiennent plus, mais elles étaient porteuses d’un rêve qui continue de nous fasciner».