Pia Rönicke
Dream and Action find Equal Support in It
Dream and Action find Equal Support in It est une histoire de reflets, de cadrages et décadrages. Trois images constituent le point de départ de ce projet: une photographie de la salle de bain à travers un miroir de la maison E1027 d’Eileen Gray, le dessin réalisé par Loïe Fuller en 1893 de la salle des miroirs et la photographie d’une femme reproduite cinq fois, et formant un cercle, par Hannah Höch en 1917.
Dream and Action find Equal Support in It est aussi un hommage à ces trois femmes à la fois libres et visionnaires, soulignant à quel point leur création leur a permis de transgresser les règles de leur époque. Au delà de leur parcours, l’artiste questionne les potentialités et les limites de l’art, son rapport à l’utopie.
Pia Rönicke est fascinée par la manière dont le design de Gray défie les notions d’idéal. Sa façon d’inclure le contexte comme un facteur pouvant changer le concept et la fonction d’un objet et plus encore, la façon dont ils agissent sur l’espace.
Lors d’une conversation entre Eileen Gray et l’architecte Jean Badovici publiée sous le titre De l’éclectisme au doute dans la revue «Architecture Vivante» en 1929, Gray déclare: «L’afflux de la lumière et de l’air peut être régulé… comme par l’obturateur d’un appareil photo.» La maison devient ainsi un viseur, un cadre construit, à travers lequel on voit le monde.
Faisant écho à cette pensée, Pia Rönicke crée pour l’exposition une série d’écrans construits selon le même système que les paravents d’Eileen Gray. Ils fonctionnent à la fois comme des cloisons et comme des surfaces de projection. Des diapositives sont projetées sur un miroir qui est renvoyé sur un écran de papier, transformant l’image tout en altérant notre perception de l’espace.
D’autres éléments ponctuent l’exposition. Un film, tourné dans la villa E1027 joue aussi de cette ambiguïté. A travers des miroirs, la caméra enregistre le reflet du plafond comme un plan d’architecte renversé et des fragments de la maison. Les différents points de vue donnent l’illusion de marcher dans une maison différente, mais c’est la mise au point et le mouvement qui sont déformés.
Lentement, la caméra poursuit les lignes, les courbes, les pièces, les creux et les marches, dans un espace aussi bien imaginaire que concret. La voix off nous guide et nous raconte la manière dont les choses ont été pensées. Les éléments et les murs flottent, le mouvement du miroir crée un rythme. L’enregistrement témoigne des différentes strates de la maison, révélant ainsi ses manques.
L’artiste ne cherche pas à réaliser un documentaire de la condition actuelle de ce lieu mais recherche les raisons de sa conception. La salle d’exposition est en partie éclairée par des lampes de papier constituées de photocopies faites par l’artiste pendant la période où elle rassemblait images et textes autour du travail d’Eileen Gray.
Enfin, en référence au montage de Höch, dans lequel le reflet devient un acte politique car les femmes sont cette fois regardées et vues par d’autres femmes, Pia Rönicke réalise une série d’affiches intitulée Album, dans laquelle elle met en miroir le travail de femmes dans les disciplines du design, de l’architecture, de la performance et de l’art. Une série de collages, non montés mais photographiés, sont également présents dans l’exposition.
Pia Rönicke utilise l’assemblage comme medium et prolonge ainsi la tradition du montage Dada. Des films d’animation des œuvres les plus anciennes, à la re-création d’objets design plus récents, l’artiste revisite notre histoire moderne et fait appel à la mémoire. Chacun de ses projets associe textes, mise en scène spatiale, production d’objets, films et révèle sa fascination pour l’utopie moderniste tout en soulignant son caractère désenchanté.