Janaina Tschäpe
Dragoons
Janaina Tschäpe est allemande et brésilienne. Son œuvre a quelque chose de magique, comme des rites de possession qui se lisent autant à la lumière du romantisme allemand qu’à l’ombre des transes de cultes afro-brésiliens. Il y a de la gestuelle dans le travail. Un déplacement dans l’espace imposé par le canevas, mais aussi un déplacement mental, comme si toutes les œuvres traduisaient à leur façon un désir de conjuguer tous les présents. Dans ses images, le corps est souvent dépourvu de volonté propre, imprégné de l’environnement qui l’enveloppe et semble le porter.
L’artiste avait d’abord orienté son travail vers la performance, lors de ses études à la Hochschule für bilbende Künste de Hambourg, alors en pleine domination d’une peinture très expressive. Vers la fin des années 90 – début 2000, elle commence une série projets de «performance continue» : des photographies d’elle étendue dans des paysages qu’elle éprouve comme autant de petites morts, un moulage en caoutchouc de son lit qu’elle transporte de lieu en lieu, des exercices pour expérimenter l’espace…
Puis elle conçoit des narrations féeriques, mais non linéaires et sans résolution, où une figure féminine est aux prises avec les éléments. Partout où elle se rend, Janaina Tschäpe prend soin d’emporter avec elle sa robe bleue de sirène, ses ailes en silicones, ses ongles de fantôme, s’octroyant la liberté de faire des images en tout lieu, par n’importe quel temps. Sans être féministe, son œuvre traduit une respiration de femme, parfois inquiète comme dans la série Sala de espera, 2001, qui évoque l’attente d’une jeune femme pendant sa transformation mystérieuse, parfois sociale, comme lorsqu’elle interprète les rêves d’avenir de quatre mères de familles des favelas de Rio (Camaleoas, 2002) en concevant pour elle des costumes à l’image de leurs fantasmes.
Poursuivant sa tendance à travestir la nature, et créer des êtres hybrides à l’aide de gonflables colorés, condom remplis d’eau, costumes extensibles et pâte à modeler, Janaina Tschäpe se fait botaniste de l’imaginaire. La série de photographies Mélantropics, ainsi que les Botanicas voient apparaître en pleine nature tropicale des formes hybrides et impudiques, aux couleurs et aux matières improbables qui répondent à des noms fleuris tels que Rosalinda Humida, Floribunda Noturna… et dont certaines rappellent les dessins du biologiste Ernest Haekle.
Le dessin, puis la peinture se sont imposés peu à peu au cœur de l’œuvre. Ils décrivent de grands univers flottants où se côtoient les viscères, les algues et les étoiles. Ses peintures sont d’une beauté envoûtante et légère, un peu matissienne. La texture et les couleurs semblent avoir été prélevées directement dans les forêts des montagnes du Minas Gerais, au Brésil.
Pour sa première exposition à la galerie Xippas, Janaina Tschäpe présente son tout dernier travail, faisant suite à sa résidence dans les montagnes désertiques de Dragoon, Arizona, les terres indiennes de Cochise, qui ont tant inspiré Max Ernst.
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Paul Brannac sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
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