Laetitia Badaut-Haussmann, Alex Cecchetti, Isabelle Cornaro, Jaime Gili, Jorge Pedro Nuñez, Jorge Satorre
Down By Law
La galerie Crèvecoeur présente «Down By Law», une exposition qui rassemble cinq artistes venus d’horizons divers et qui pour l’occasion confrontent leurs vues: Laetitia Badaut-Haussmann, Alex Cecchetti, Isabelle Cornaro, Jaime Gili, Jorge Pedro Nuñez et Jorge Satorre.
Les symboles de la norme et du pouvoir qui dessinent notre univers visuel finissent par nous être invisibles, à force d’être trop connus, trop familiers. Ces marques, victimes d’une uniformisation croissante, sont devenues quasi-universelles pour les citoyens de la mondialisation que nous sommes désormais, parfois malgré nous. Nous évoluons dans un monde de signes, et de plus en plus, certains d’entre eux assument une fonction sociale ou politique contraignante, à laquelle il est difficile d’échapper.
Certains artistes, dans leurs pratiques, interrogent ces emblèmes et choisissent d’y poser un regard dé-centralisé. En dépassant l’évidence qui nous menace, ils ouvrent la voie à d’autres interprétations et à d’autres codes, tout en affirmant leur langage, et en créant un réseau de signes spécifiques, ceux-là même que le spectateur est invité à décrypter. Comme les emblèmes qui encadrent la vie en société, les oeuvres présentées dans cette exposition collective à la Galerie Crèvecoeur, affirment leur autonomie, au sens fort: elles donnent leur propre loi, elles sont leurs propres preuves. Elles déploient un champ de possibles, ouvrent des issues alternatives, et si elles nous contraignent à un regard, à une lecture, et à une temporalité maîtrisée, leur expérience permet de mettre en crise l’évidence des signes du pouvoir, et de réinventer ainsi, très librement, l’ensemble des règles.
D’un artiste à l’autre existent des différences de méthode manifestes. Alex Cecchetti fait intrusion, à la manière d’un parasite, dans un univers ultra-codifié comme la presse écrite, Jorge Pedro Nuñez trouble, par de très légers décalages, la ligne d’écriture de l’écolier, Isabelle Cornaro révèle l’organisation drastique des espaces de détente, Jorge Satorre efface littéralement les insignes de repérage visuel élémentaires, Jaime Gili laisse sa marque là où seules les annonces publicitaires ont désormais droit de cité et Laetitia Badaut-Haussmann redonne une vie à un portrait devenu interdit du fait de la vindicte populaire. Parmi ces artistes, se dégage bien plus qu’un horizon partagé: une véritable direction commune. Le titre de l’exposition est emprunté au film de Jim Jarmusch, qui retrace l’épopée burlesque et sombre de trois hommes réunis dans la même cellule par hasard, forcés à se côtoyer et à déjouer les autorités à la faveur d’une évasion.
Usant de moyens discrets, parfois presque invisibles, et de matériaux pauvres, à une époque où le spectaculaire est de mise, ces artistes incisent, en finesse, les références absolues collectives ; et suggèrent un dénouement inédit, adapté à l’imaginaire de chacun.