Double Trouble

Communiqué de presse
Oystein Aasan
Double Trouble

Ce sont des images sans qualité et gommées par le temps qu’Oystein Aasan extirpe de la culture populaire : pages arrachées de magazines rares, affiches de films aux acteurs méconnus, documents d’architectures désuets, qu’il réinjecte au sein de structures établies en amont. Prises dans les filets de sculptures-réceptacles posées au sol ou d’objets-grilles accrochés au mur, elles participent à la formation d’architectures de mémoire.

Récurrente dans le travail de cet artiste berlinois, la grille n’est ni la mise au carreau d’une production à venir, puisqu’elle est appliquée rétrospectivement à l’image, ni la grille moderniste qui viendrait en rationaliser la lecture, puisqu’au contraire, elle la brouille. Pas question donc de proposer un outil pour « mieux voir » ou de garantir l’équilibre de l’objet représenté, par découpe et ordonnancement. Plaquées l’une sur l’autre, la grille et l’image se perturbent mutuellement.

Incapables d’accorder leur violon, elles ne font qu’exacerber leur emboîtement fortuit. En faisant passer la grille au premier plan d’une image alors fragmentée, l’artiste nous amène à ajuster notre focale. C’est le cas de la sculpture « Double Trouble » qui met littéralement l’image sens dessus dessous. On aperçoit sur les verso de ses étagères alambiquées, des photos de sculptures médiévales d’Adam et Eve, tandis que les recto figurent des extraits d’un livre de Joyce dont l’intrigue semble s’enraciner dans un temps antérieur au paradis perdu. Cette série de paires déployées dans l’espace renvoie au principe même de l’exposition, du titre éponyme : fractionner l’œuvre, la diviser, histoire qu’on s’y prenne à deux fois avant de la capter.

Motivé par la ferme intention d’augmenter perpétuellement la mémoire de son travail, il enrichit, en collectionneur appliqué, une banque de données d’images, de notes, de références, d’esquisses, sans que de solution à ces accumulations ne soient strictement envisagées. Il les répertorie tout de même au sein de « Never ending memory », un meuble en bois érigé en tour de Babel, soumis à trois règles strictes : « It can never be finished. It can never be sold. It can never leave my studio. » Cet espace intermédiaire constitue à la fois un générateur d’œuvre et une œuvre en soi. Il l’active à la Vitrine pour la première fois sous forme de projection de diapositives, mettant ses sources à distance par le filtre de la photographie qui les restitue mais aussi par l’ordre linéaire et le rythme lent d’apparition qu’il leur impose.

Le jeu (implicite) de recomposition de l’ensemble met au défie la mémoire. Poursuivant une réflexion sur la porosité du statut de l’œuvre et de ce qui l’accompagne, les « displays unit » sont des squelettes d’œuvres qui ne peuvent fonctionner qu’en interaction avec elles. Evidés d’images, mais munis de miroirs qui reflètent l’environnement et le regardeur, ces sculptures organisent la réception des oeuvres et leur circulation. La maîtrise des modes de présentation de ses pièces s’avère paradoxalement le moyen d’en démultiplier les points de vues.

Si le procédé d’extraction de l’image engage le processus de travail d’Oystein Aasan, ce n’est pas tant dans le but d’en renouveler le sens que de tendre l’image entre deux mouvements contradictoires : elle est matière première, rendue à sa plasticité et au signifiant au moment même où perce un signifié que les grilles neutralisent.

Vernissage
Mercredi 16 décembre, de 18h.


Fermeture de La Vitrine, du 20 décembre au 6 janvier.