Une salle blanche avec quatre carreaux de bois sur lesquels sont posées des feuilles où sont inscrits des titres tels que Petites compositions familiales. Puis des casques. On s’assoit et on écoute. Au sous-sol, une autre salle, toujours blanche, vide, dans l’obscurité. Quelques hauts-parleurs accrochés aux murs diffusent des mots, des musiques, des rires, des silences. Tous ces sons coulent du plafond « dessinant » une sorte de cinéma pour les oreilles. « Avoir abandonné l’image me permet de rendre plus aigu ce paradoxe: à la fois cette présence, très précisément travaillée, d’une personne, et son absence totale », commente Dominique Petitgand qui veut que ses œuvres soient des « récits et paysages mentaux ».
Selon lui, la pensée est toujours plus riche que les phrases qui en émanent. La parole s’accompagne en effet, par delà les mots, d’une quantité énorme de matériaux sonores qui échappent à l’écriture, mais qui lui servent ici de matériaux artistiques: la nature d’une voix, un débit, la tonalité d’une phrase, la sonorité d’un mot, des bruits vocaux, des respirations, des hésitations, etc.
Découpée et transformée, cette matière est inscrite dans un nouveau contexte où se combinent voix, musiques, respirations, silences, rires, bruits, etc. Comme un cinéaste, Dominique Petitgand part d’un matériau réel pour arriver à une forme qui dépasse l’analogie. En combinant la succession, la répétition, la musique sérielle et l’accumulation, il crée des rythmes et des glissements formels qui font écho aux mouvements de la pensée. Ses « pièces sont plus proches d’une forme mentale que du documentaire ».
Comme les films de Hitchcock, les œuvres de Petitgand se situent entre réalité et fiction. La durée des silences, par exemple, est réglée en fonction de leur réception. La musique est déterminée par les enjeux du récit, par la forme du montage ou par l’attente de l’auditeur. Dans ces pièces très intemporelles, le spectateur-auditeur est conduit à remplir le vide.
Par delà toute discipline particulière, Dominique Petitgand propose un travail d’écriture et de regard diffusé sous la forme de CD, de concerts, d’installations sonores ou d’auditions en public dans l’obscurité de salles de cinémas ou de concerts, mais aussi dans des expositions, voire inséré dans la musique d’ambiance de centres commerciaux.
Dominique Petitgand ne se réfère ni à John Cage, ni à Pierre Schaeffer, ni à Deleuze ou Debord, mais plutôt à Godard, Tati, Ozu, Kurt Weill, Bresson, Perec. De Robert Bresson, il retient la façon dont la sécheresse peut être au service d’une tension et d’une émotion. Chez Perec, il découvre comment l’intimité peut paradoxalement trouver à s’exprimer dans la froideur et l’impersonnalité des inventaires et des listes.
Dominique Petitgand :
— La vie des idées, 1975. Peinture sur toile. 120 x 180 cm.
— Une protection, 1993-2001. Bande sonore en boucle, constituée de trois voix différentes, de bruit, de mélodies, de chants, de musiques, de silence. 4’ 28.
— À portée de main, 2001. Bande sonore en boucle, constituée de douze pistes sonores réunissant voix, chants, bruits de guitare et silence. 2’58.
— Obstacle, 2001. Suite composée de trois parties sonores : « Cette chanson », « 6+1 », « en tête ».