ART | EXPO

Dominique Ghesquière

03 Juil - 25 Sep 2010
Vernissage le 02 Juil 2010

Les œuvres de Dominique Ghesquière éternisent un geste suspendu. Suspension de la finition de l’objet, interrompue malgré la persistance d’un «défaut de fabrication», soit de son usage, interdit par la fragilité de la matière.

Dominique Ghesquière
Dominique Ghesquière

Le trompe-l’œil tient dans la pratique sculpturale de Dominique Ghesquière un rôle temporisateur beaucoup plus subtil que le spectacle de la peinture illusionniste, immédiat et époustouflant, à force de perspective convaincante et d’imitation minutieuse: un coucher de soleil peint en bout d’impasse, les veines d’un marbre dessinées sur la cheminée. L’illusion chez Dominique Ghesquière n’a rien du cache-misère.

Là où le trompe-l’œil ment, maquille et abuse notre perception, ses objets délivrent avec une lente sincérité leur vraie nature, sans crânerie technique, sans malice, et surtout, sans prétendre être autres. Ils ne trompent pas, nous faisons erreur: à force de balayer trop vite le réel, c’est la réalité des choses qui nous échappe. À moins qu’à contempler longuement le monde, on en fasse se dérober la tangibilité.

Au lieu de forger un décor spectaculaire au moyen d’expédients pauvres, Dominique Ghesquière inverse la farce du trompe-l’œil. Elle refabrique ou fait refabriquer en usine ou en atelier –l’émerveillement technique doit rester secondaire– des objets ordinaires (vaisselle blanche, mobilier basique, outils de bricolage, échafaudage, etc.) dans des matières inadéquates ou portant les traces d’une usure artificieuse. Tandis que les assiettes arborent dès leur cuisson des entailles de couteaux, escabeau supplante l’aluminium léger de l’objet industriel par du biscuit de faïence, intouchable, blanc et cassant.

L’objet contrarie ainsi notre habitude à substituer à la compréhension progressive du monde sa reconnaissance instantanée. Mais, l’opération, autrefois automatique, par laquelle on déduisait d’un verre qu’il était en verre, ou d’une brique qu’elle était de terre, est à présent révisée par la diversification de matériaux, ersatz caméléons.

Les objets de Dominique Ghesquière contraignent le familier à se dérober insensiblemen: formellement identiques, matériellement autres, ils piègent notre prétention à vouloir voir et comprendre simultanément. Le merveilleux n’a pourtant pas déserté son travail. Il s’agit plutôt d’un étonnement infiltré au commun, plus proche du sentiment d’étrangeté que du fantastique.

L’artiste ne prélève pas du réel des objets ready-made, mais en transpose les formes dans des matériaux impropres à l’usage. Les objets qu’elle choisit de refaire (ou de faire refaire) ne sont ni des babioles, ni des curiosités, mais des choses de la vie courante.

L’observation et la compréhension sont également immobilisées par la contradiction des apparences: une flaque vraisemblablement d’eau, en réalité d’époxy, résiste à l’évaporation; des gouttes de pluie, en fait de verre, perlent aux carreaux d’une fenêtre sans jamais s’écouler (pluie permanente, 2003).

Le travail de Dominique Ghesquière suscite des aberrations, des erreurs de jugement dues à un illusionnisme discret mais sournois. Il nous invite à aiguiser notre perception, pour détromper notre compréhension hâtive et mécanique des choses.

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