Dominique Albertelli
«Un bon dessin fait rêver, il fait partir ailleurs. Un bon dessin fait danser les lignes. Il peut être sombre, léger, clair, profond à la fois. Il semble qu’il pourrait sortir de la feuille, aller faire sa vie, aller rejoindre celui qui le regarde. Ca glisse, ça crisse, ça chante. C’est sensuel comme la peau. Ca ne peut tromper personne. Je peux le caresser, le violenter, le déchirer, l’effleurer et l’aimer. Je peux l’emmener dans le monde entier dans mon sac et il aime ça.» (Dominique Albertelli)
En véritable chorégraphe du corps passionné, Dominique Albertelli nous parle d’une langue gestuelle, d’un rythme, d’une transe de la ligne serpentine capable de rendre au désir sa liberté.
Davantage intéressée par le mouvement que par les poses figées, sa pratique du dessin ne vise pas à reproduire la réalité, mais à saisir, sur le vif, des intensités. Grâce féminine — vénusté: et si l’héroïne impersonnelle de ces dessins se confondait avec l’image archaïque de la Ninfa? De cette ménade, de cette bacchante disciple de Dionysos qui, depuis l’antiquité la plus reculée, passe pour être le symbole de la femme libre — de la femme ensauvagée?
Joie extatique du corps — souffle de l’âme. Dans leur succession même, dans leur accumulation folle, ces dessins nous délivrent des clichés qui emprisonnent, aujourd’hui, le corps de la femme. Sans pour autant renoncer à l’érotisme qui s’attache d’ordinaire à son image, ils nous en révèlent aussi la part d’ombre et de tourments. Véritables «mises en scène de l’âme», passant par toute la gamme des émotions, les oeuvres de Dominique Albertelli nous montrent que le corps possède son propre langage et qu’il ne tient qu’à nous d’en déchiffrer le sens.
Voilà pourquoi, peut-être, la sensualité qui se dégage de ces oeuvres n’a d’égale que la fragilité des lignes qui les mettent en forme. Car si le corps de la femme est souvent comparé à un temple — à un lieu sacré dédié à un culte — c’est d’abord et avant tout parce qu’il est le lieu d’une rencontre paradoxale: d’une union dangereuse entre Judith — la femme sanguinaire, et Vénus, la mère de tous les hommes. Mais plutôt que de réduire la femme à l’une de ces images, Dominique Albertelli a choisi de placer son oeuvre sous le signe de la vérité nue — et de maintenir ainsi, avec une sincérité désarmante, la complexité de l’archétype qui lui sert de trame. Ecce Ninfa! Voici la femme.