D’œil et d’oubli, troisième création de Nans Martin, prolonge en quelque sorte Parcelles, pièce dans laquelle il portait son attention sur trois idées : traverser et, au-delà , être traversé ; frapper ; se lever et, au-delà , être debout. D’œil et d’oubli reprend pour partie cette recherche chorégraphique pour tenter de s’approprier l’absence qui caractérise toute existence.
D’œil et d’oubli
Pièce pour six interprètes et un compositeur, D’œil et d’oubli trouve son origine dans l’intimité même de Nans Martin puisque la chorégraphique de cette dernière se fonde entièrement sur la suite des événements de sa vie personnelle. Dès lors, il importe de donner forme sur scène à cette matière biographie. Comment donner corps à ses souvenirs qui ne sont qu’images fuyantes ou imparfaites reconstructions sensibles d’un passé individuel ? Comment parvenir à faire partager au public ces mêmes souvenirs ?
Le corps, dans D’œil et d’oubli, est évidemment le moyen privilégié de transmettre ce passé enfoui dans la mémoire individuelle. Peut-être est-il même le seul réceptacle fiable de ces événements personnels disparus, que Nans Martin tient à restituer sue scène. Leur absence semble pouvoir être exprimé par le corps dont la sensation est l’unique vecteur d’expression. Qu’y a-t-il de plus certain et précis que ces moments où le corps individuel défaille ou se revigore, résiste ou cède ?
Dire l’absence
Si D’œil et d’oubli se veut le récit d’une absence, celle d’une existence qui n’est plus présente à elle-même, cette dernière trouve son centre de gravité dans la « mémoire du corps. » Rattaché au passé par son corps sentant, Nans Martin peut alors donner forme à sa propre histoire personnelle. Il peut désormais s’approprier les divers moments de sa propre existence et, pour ce faire, « inventer une forme, un espace, une durée » qui puissent exprimer sur scène cette absence essentielle.
« La fabrique du regard »
 De manière significative, D’œil et d’oubli s’efforce de créer ce que Nans Martin appelle une « fabrique du regard », c’est-à -dire la volonté de recourir à des techniques chorégraphiques permettant au spectateur de changer de point de vue au travers de la seule mise en scène des corps. Les corps des danseurs se révèlent être alors les supports du regard du spectateur. Par là même, Nans Martin conduit son public à imaginer l’absence présente en toute existence.