PHOTO

Do you Remember, No I Don’t

Difficile de rendre compte d’un spectacle qui se présente comme une amnésie. Succession de tableaux qui s’organisent en plans, dans la profondeur du cube scénique ou selon des éclairages méticuleusement agencés pour découper l’espace, la mise en scène règne et l’emporte sur le sens. Assaillis par des bribes de texte prononcées d’une voix de train fantôme «  Ma mort qui est-ce ? », « Ta peau … lambeau …drapeau » « Bonjour mon tombeau », rien ne nous sera expliqué.

Vestiges de sens, scories d’écriture, les numéros se suivent sans pour autant produire de lien entre les sentences et par-là même restituer le corps du texte (Paysage avec Argonautes d’Heiner Muller, datant de 1982), qui restera particulièrement mystérieux pour tous ceux qui ne l’auraient pas lu. Passée cette première déception, il faudra se contenter d’apparitions pas forcément déplaisantes mais dont l’absence de sens déroute.

C’est un paysage désolé, un plateau recouvert de cendres qui accueille les débuts de Do You Remember, No I don’t. Puis, dans le désordre, une pianiste pousse son instrument à bout de bras, une jeune femme entonne un chant africain accoutrée comme dans une séance de mode que superviserait Jean-Paul Goude, un couple joue les présentateurs à paillette, une femme se bat avec un linceul en plastique, un homme danse en duo avec un grand balancier lumineux, et un autre exhibe sa musculature d’écorché vif le temps d’un pas de trois avec la pianiste arrimée à son instrument, une contorsionniste anime un tube à ressort métallique …
Les interprètes sont tous exceptionnels, magnifiques, irréprochables, mais pourtant rien ne nous amène à entrer en communion avec eux. Ils effectuent sagement leurs séquences bien réglées tandis que notre regard reste à la surface des choses, s’attache aux formes et aux couleurs plutôt qu’à leur signification.

Est-ce une bonne représentation du souvenir qui s’est dissipé ? N’y aurait-il pas au contraire, dans le processus amnésique, une tendance au palimpseste plutôt qu’au collier de perle ? Ici rien ne se confond, tout est étiolé, distinct. Et cette distinction, cette hyper visibilité, est déconcertante. Peut-être s’agit-il de cela : l’oubli considéré sous son aspect le plus terrifiant ? Soit comme un processus capable de vider de son sens l’histoire, qu’elle soit personnelle ou collective, pour ne laisser place qu’à des clichés vides, extraordinairement visibles mais privés de substances. Des images qui ne veulent plus rien dire.

— Chorégraphe : François Verret
— Compagnie : Compagnie F V
— Partition et dramaturgie sonore : Alain Mahé et Géraldine Foucault avec la collaboration exceptionnelle de Graham F. Valentine
— Son : Géraldine Foucault
— Scénographie et construction : Vincent Gadras avec la collaboration de Karl Emmanuel Le Bras
— Vidéo : Manuel Pasdelou
— Costumes : Eve Le Trévedic

AUTRES EVENEMENTS PHOTO