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Djinns

28 Mai - 18 Sep 2005
Vernissage le 28 Mai 2005

Tatiana Trouvé transforme le Cneai en maison fantôme, elle suggère un parcours onirique où l’on bascule dans la pénombre de pièce en pièce, à la découverte d’espaces, de cellules, d’œuvres, de leurres posés comme appâts pour charmer les esprits du lieu.

Communiqué de presse

Tatiana Trouvé

Djinns



Djinns désigne dans le Coran et les légendes musulmanes un être intelligent, mauvais esprit, qui apparaît sous différentes formes pour inspirer et tourmenter les hommes.



Tatiana Trouvé transforme le Cneai en maison fantôme, elle suggère un parcours onirique où l’on bascule dans la pénombre de pièce en pièce, à la découverte d’espaces, de cellules, d’œuvres, de leurres posés comme appâts pour charmer les esprits du lieu.



Les murs de couleurs sont recouverts, comme les pages d’un livre animé, d’excroissances, de collages, de matières adhésives, de gravures, de photocopies et de dessins dont des fils conducteurs s’échappent en un mouvement fluide vers la pièce suivante pour rejoindre d’étranges modèles réduits posés au sol, des architectures élaborées nommées «Polders». Ces cellules conquérantes, un instant au repos, en attente d’une mystérieuse activité, sont minutieusement structurées de câbles, de miroirs d’acier, de déambulatoires, de chaînes, de poulies, de skaï, de tuyaux… elles constituent des compositions fantastiques ultra sensibles qui captent la lumière, l’air, les sons au même titre que nos désirs, nos rêves, nos fantômes.



Commissaires

Sylvie Boulanger, Pascal Yonet



Publication

DJINNS, Tatiana Trouvé



Constitué en son cœur de pages fantômes, de collages aux vernis sur papiers noirs, de miroirs noirs qui reposent le regard, le livre de Tatiana Trouvé déploie ainsi des apparitions mentales composées de dessins, de fragments hétéroclites de muselières, de niches, de sièges de batteurs, de matériel d’escalade, de grillage et de prothèses humaines ou cohabitent des matières précises comme le cuir, le velours, le métal.



La construction du corps autonome du livre poursuit la quête fantastique d’un mouvement psychique qui se désagrège au rythme d’une fable de l’auteur autrichien Arno Geiger et d’un dialogue de Tatiana Trouvé avec Hans-Ulrich Obrist.

Coédition Cneai, Espace Paul Ricard, Frac Paca, Kunstverein Freiburg, avec le partenariat de Ensa Dijon, Galerie GP & N Vallois et villa Arson.



Extrait de la publication

Entretien de Tatiana Trouvé avec Hans Ulrich Obrist



TT : Je m’intéresse à ce qui rend les architectures vivantes, leur centre nerveux ou leur âme. Je me suis souvent servi, dans les derniers polders, de tuyaux de canalisation. L’architecture est devenue un espace pour l’électricité, le chauffage et l’eau : c’est ce qui la rend vivante. Or, ces éléments sont toujours cachés ou camouflés derrière les murs. En fait, j’ai réalisé des espaces qui sont des radiographies d’architectures, qui matérialisent ce que l’œil ne peut délimiter ou définir. Le récit de Mark Z. Danielewski, The House of Leaves, a joué pour moi un rôle important. On entre et on vit dans une maison qui s’avère être beaucoup plus grande et contenir beaucoup plus de pièces qu’il n’y paraît à première vue. De même qu’elle donne lieu à beaucoup de récits. Tout est compris en termes d’espace et l’espace fonctionne comme un cerveau qui ne cesse de se modifier et de s’altérer, en mutation et en changement…



HUO : Je me demandais aussi quel était votre rapport au projet et à la réalisation ? Lorsque l’on feuillette ce livre, on ne peut pas dire que vous soyez dans la tradition des dessins d’architectures utopiques. Et même si, parfois, il y a des choses qui peuvent rappeler certains dessins de Archigram, il ne serait pas exact de dire que vous proposez des utopies non réalisables car l’on se situe plutôt, à l’inverse, dans une démarche de production de réalité. Ce sont en effet des espaces que vous réalisez et que vous ne faites pas que projeter. Mais en même temps, si beaucoup de ces dessins sont des dessins d’espaces construits, il y en a d’autres qui sont des dessins d’espaces qui n’ont jamais été construits, et aussi d’autres que vous allez peut-être construire mais tout aussi bien non. Il y a donc une sorte de balancement, d’enchevêtrement de réel et de projeté, d’actuel et de possible. Comment envisagez vous ce rapport du construit et du non construit ? Du projet non réalisé et du projet réalisé ?



TT : Cela me rappelle une phrase de Gombrowicz : «Je choisis obstinément de ne pas choisir, choisir la dérive et continuer». Dans ce livre, un choix délibéré est fait de ne pas choisir, de ne pas donner une seule possibilité de lecture. Je ne veux pas cependant tomber dans l’aléatoire. Il faut que l’aléatoire soit construit. C’est ce sur quoi je travaille actuellement. Des choses qui semblent lisibles nous apparaissent, nous amènent à des seuils en deçà de la perception, à du non-visible. En fait, j’aimerais beaucoup que ce livre construise une déambulation, comme si on ouvrait une porte pour accéder à une pièce puis de là pour accéder à une autre, et que ce parcours soit psychique avant tout.



HUO : De votre parcours, mais aussi de celui qui lit le livre, de celui qui traverse le livre…

TT : Dans l’entre deux. Entre ce que l’on peut voir et ce que l’on croit percevoir. En cela, l’idée du fantôme est si importante.



HUO : On peut imaginer qu’il y a une sorte de combat pour savoir qui sont les vrais protagonistes… ce n’est pas si évident…

TT : J’aimerais beaucoup parvenir à créer une dimension dans laquelle cette définition soit sans arrêt troublée et remise en cause. Un peu comme ces photos de morts du début du siècle. Il y avait une tradition qui consistait à photographier les morts. J’ai vu, un jour, une photographie qui m’a beaucoup troublée. Elle représentait deux petits enfants, deux jumeaux, qui étaient habillés en costume marin, assis sur un banc et qui se tenaient par la main. Ils avaient les traits détendus et paraissaient dormir. En réalité, ils étaient tout simplement morts. J’ai trouvé cette image vraiment troublante. Il y avait là une représentation d’un ordre purement fantomatique. Pour moi, ces enfants étaient devenus des fantômes et on les avait représentés comme tels. Ni des dormeurs ni des cadavres, c’était autre chose. L’image d’un deuil, tout simplement.

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