Diogo Pimentão, Thorsten Streichardt
Diogo Pimentão, Thorsten Streichardt
«J’observais un jour mon fils Bartolomeu en train de construire scrupuleusement un chemin avec les jouets et les objets qu’il avait sous la main. Son objectif était de pouvoir traverser sa chambre dans l’obscurité, guidé par cet ensemble de corrélations très personnelles que lui seul comprenait. Il ne pouvait parcourir l’espace du lit à la porte sans construire avec ces objets un lien qui rendait, au bout du compte, le vide surmontable. De cette façon, il se sentait tranquille. Et moi, stupéfait, j’assistais à la construction d’un véritable espace.» Diogo Pimentão
Le Centre d’art propose une nouvelle exposition en duo: une rencontre inédite entre Diogo Pimentão (Portugal) et Thorsten Streichardt (Allemagne). Ces derniers partagent un même intérêt pour le dessin qu’ils mettent en volume, en mouvement ou en son. Leurs oeuvres — pour la plupart produites pour l’occasion, voire réalisées in situ — se mêlent et se répondent dans une mise en scène orchestrée par les artistes.
Si leur pratique ne se résume pas au dessin — elle intègre aussi des vidéos, des objets ou des installations — ce dernier constitue pour eux un véritable paradigme. Dessiner, c’est travailler sans maquette, sans projet, «avancer sans protection». La nature fragile et transitoire des oeuvres, ainsi que l’emploi de techniques rudimentaires témoignent d’une relation fondamentalement curieuse et expérimentale au monde, lointain écho d’activités enfantines où l’improvisation le dispute à la précision de l’observation.
L’espace d’exposition devient un laboratoire où les artistes multiplient les expériences — à la fois scientifiques et ludiques — et où les matériaux font l’objet d’une subversion poétique. Les processus de création sont donnés à voir: l’œuvre intègre son making of, la forme se fait et se défait, le corps imprime sa marque, le dessin devient action,
langage, musique…
Les notions de dépense et d’entropie, de contrôle et d’accident sont mises en jeu dans des pratiques concrètes qui engagent le geste de la main et, au-delà , le corps tout entier. Les deux artistes sont liés par une même une conscience critique des contextes de production mais aussi par un même plaisir lié à la capacité de «faire avec», de créer quelque chose soi-même avec ce qu’on a sous la main. L’oeuvre se fait outil de connaissance, qui permet de comprendre notre environnement construit et la place qu’on y occupe.
Automatisme et «savoir intuitif» sont mis en relation pour mieux explorer les rapports d’aliénation et les possibilités d’émancipation. Dans un monde de plus en plus dématérialisé, comment se réapproprier la question de la matérialité? Comment reconsidérer la question de la production et affirmer une équivalence entre geste quotidien, artistique, et approche conceptuelle? A l’heure de la mécanisation du travail et du capitalisme cognitif, Diogo Pimentão et Thorsten Streichardt repensent la dichotomie entre travail manuel et intellectuel, en postulant que «faire, c’est penser».
Vernissage
Samedi 5 mars. 14h-18h30. Performances des artistes
Vernissage conjoint avec le Parc Culturel de Rentilly à l’occasion de l’exposition «Chambres Sourdes» (commissaire: Audrey Illouz)