Des fils tendus entre les cimaises. Sur les fils, des soies « découpées à vif dans la couleur ». Et derrière la couleur, Didier Mencoboni expose. Curieux dispositif que cette œuvre qui génère à la fois son propre espace et celui de l’exposition. Une œuvre de soie aussi photogène que la couleur qui l’habille, autant captatrice d’effets et diaphane que la lumière, aussi sensible et attirante que les peintures qu’elle dissimule.
Curieuse exposition qui expose les œuvres sans les exhiber, sans les mettre en vue. Qui préfère les voiler. Le visiteur, interrompu dans son cheminement linéaire par l’entrelac des câbles et le frôlement des soies, les découvre comme autant de propositions autonomes.
La question des multiples approches se pose lorsque l’on peut voir une œuvre à partir de plusieurs positions dans l’espace. Ici le dispositif privilégie un seul regard d’approche des œuvres. Les soies sont autant de contraintes de parcours, d’obstacles visuels qui structurent l’espace. Un piège physique — c’est de la matière au sens littéral qui s’accroche au corps — qui oblige le spectateur à se déformer, à s’obliquer, à se tordre, mais aussi à avoir une attention focalisée sur chacune des œuvres.
Cette clôture de câbles arrime le spectateur au présent de sa visite sans que jamais il ne tombe dans l’espace-temps des œuvres. Des tableaux de petite taille vidés de la part de sens qu’ils doivent à leur inscription dans une série et à son principe de numérotation, de comptage systématique…
Ici chaque œuvre isolée dans sa cellule de tissus colorés a un fonctionnement propre qui permet des appropriations diverses. Chacune constitue un monde en soi dont la lecture reste indépendante des autres. On peut en engager la lecture ou la laisser de côté sur son parcours.
Un empilement d’acrylique sur toiles carrées… quand la peinture devient architecture. Trente petites toiles de dos sur une étagère… quand « l’envers vaut l’endroit »…
Réduit par l’exiguité de l’espace, ou l’accrochage bas, présenté de dos ou empilé, sans convention de cadre ou de chassis, chaque tableau semble rendre hommage aux couleurs qui le structure. Pas de dessin, plutôt un jeu chromatique. Pas de graphisme, plutôt des formes qui naissent de la matière colorée. Des lignes sinueuses, des lignes droites, des points, rien de plus pour provoquer une mouvante et émouvante vibration d’optique.
À la galerie Éric Dupont, Didier Mencoboni nous rappelle qu’une œuvre est, avant toute chose, une surface recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées…
Didier Mencoboni
— 1784 Etc…,, 2003. Acrylique sur toile. 35 x 27 cm.
— 1796 Etc…,, 2003. Acrylique sur toile. 46 x 37 cm.
— 1800 Etc…,, 2003. Acrylique sur toile. 30 x 24 cm.
— 1825 Etc…,, 2003. Acrylique sur toile. 40 x 30 cm.
— 1821 Etc…,, 2003. Acrylique sur toile. 40 x 30 cm.
— 1794 Etc…,, 2003. Acrylique sur toile. 35 x 27 cm.
— 1810 Etc…,, 2003. Acrylique sur toile. 41 x 35 cm.
— 1799 Etc…,, 2003. Acrylique sur toile. 46 x 38 cm.
— Revers, Étagère, 1991-1996. 35 acryliques sur toile. 48 x 200 x 16 cm.
— De dos, 2003. Gouache sur papier. 75 x 190 cm.
— Pile, 1992-2002. Acryliques sur toile. 48 x 30 x 30 cm.
— Soies, 1999-2003. Tissus de soie. Module en croix de 10 m env., dimensions variables.