ART | EXPO

D’ici là

02 Avr - 30 Avr 2011
Vernissage le 02 Avr 2011

«D’ici là» est une tentative poétique de remémorer le destin universel des images, de retenir la fuite du sens et d’interroger la pertinence même du terme d’«espace public».

Pierre-Olivier Arnaud
D’ici là

«D’ici là» est la seconde exposition personnelle de Pierre-Olivier Arnaud à la galerie art: concept. Ce titre, à l’ambivalence langagière, a été choisie a posteriori de la sélection d’images et par un effet de feedback, il oriente d’emblée l’ensemble du projet.

La préposition de temps «d’ici là» synthétise l’idée d’un présent continu, d’une situation en train de se dérouler et celle d’un futur hypothétique, qui est encore potentiellement imaginaire ou peut-être retardé. Et pour exprimer cette contradiction temporelle, ce devenir qui par essence est impossible à figer et à deviner, il est d’usage de juxtaposer et contracter deux adverbes de lieu: «ici» et «là».

C’est littéralement la création d’un espace abstrait qui irait «de ici à là». Trois mots donc superposent le temps à l’espace et réciproquement.

En guise d’introduction et tel un jeu de miroir sémantique qu’il tend à son propre travail, Pierre-Olivier Arnaud s’approprie une bribe de langage qui, comme les images qu’il produit, demeure fragmentaire, sans début ni fin parce que recadrées, mais laissées sans cadre. L’expression fonctionne ici comme une mise en exergue ordinatrice. Désignation potentielle de la gymnastique, qui consiste à décortiquer le tout et ses parties pour les mettre en résonance et en enrichir le sens, elle fait écho au processus de transformation que l’artiste applique scrupuleusement aux images.

Dans la continuité de projet cosmos, pour lequel il a sillonné l’Europe (principalement de l’Est) à la recherche des hôtels Cosmos, captant les alentours de chacun de ces lieux — architecture et nature environnantes, espaces ou fragments d’espaces, images qui semblent avoir été laissés en friche — il livre ici de nouvelles impressions. Arnaud poursuit sa production d’images constatant qu’elles sont «désaffectées», en témoigne leur esthétique réduite a minima: teintes grises, sourdes et désaturées. De détails grossis au point d’être rendus flous, puis abstraits surgissent des monochromes.

Certaines de ces figures quasi-fantomatiques sont néanmoins rappelées à l’ordre par un bord tranché au noir, comme par le geste mécanique et radical d’une erreur d’impression — somme toute un fondu enchaîné accéléré, rendu abrupt et qui n’est pas sans évoquer l’espace continu de la peinture de Barnett Newman et de ses zips iconiques. À la mélancolie ou au romantisme des ruines de l’ex-bloc communiste, Arnaud oppose la radicalité d’une esthétique empruntée à l’art minimal devenu esthétique emblématique du capitalisme.

L’incessant questionnement de la surface et du corps de l’image persiste. L’illusion de perspective ou de profondeur créée par l’alignement d’images de différents formats révèle un rapport discret à l’architecture et de façon métaphorique interroge la mise à disposition ou non d’un espace pour accueillir la représentation d’une culture. Lorsque le contenu se revitalise, aux extrémités, c’est pour donner à voir un peu de figuratif — une sculpture moderniste désoclée — dont l’artiste a documenté les mises à l’écart successives, temporelles et spatiales, au sein même de l’espace public. «D’ici là» est donc entre autres une tentative poétique de remémorer le destin universel des images, de retenir la fuite du sens et d’interroger la pertinence même du terme d’«espace public».

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