Thierry Kuntzel, Bill Viola
Deux éternités proches
Pour La Peau, Kuntzel offre un panorama de peaux humaines, obtenues par prélèvements macrophotographiques retravaillés informatiquement, puis reportés sur une bande-film de 70mm, de sorte à défiler très lentement dans une machine conçue à cet effet, le PhotoMobile. La combinaison anonyme de tant de peaux humaines devient une image fantastique de l’humanité transmuée en images du corps de la Terre et des astres, du trop proche au très lointain.
Dans He Weeps for You, c’est au contraire l’enregistrement qui vient au premier plan, pour construire l’image projetée. Le spectateur de l’installation est filmé dans la goutte d’eau qui se forme très lentement au sortir d’une machine où se trouve logée la caméra: de sorte qu’il s’aperçoit au loin, sur l’écran, dans le miroir méconnaissable que figure à l’envers son image étirée progressivement, le temps que met la goutte à se former et à tomber.
En arrivant au sol sur la peau d’un tambour, cette goutte provoque un fracas qui devient la dimension sonore de la perception. Ainsi, entre les deux installations, s’instaure un jeu savant de rimes décalées: elles touchent ensemble à la visibilité troublée du corps humain, par l’effet des machines d’enregistrement et de projection déployées dans l’espace afin de désigner l’énigme de la formation et de l’expansion du temps.
Des bandes de Thierry Kuntzel et Bill Viola sont également projetées, dans un dispositif qui les met en rapport, pour approfondir entre leurs deux oeuvres l’infinité comme les métamorphoses du temps (Time Smoking a Picture, 1980, et Echolalia, 1980, de Kuntzel; Reasons for Knocking at an Empty House, 1979-1983, et The Reflecting Pool, 1977-1980, de Viola).
En parallèle est présenté Hiver (la mort de Robert Walser) de Thierry Kuntzel (collection FRAC Nord-Pas de Calais), l’une des installations de la série Quatre saisons (plus ou moins une). De chaque côté, sur les deux vastes écrans du triptyque, la couleur varie, du blanc au bleu au blanc. L’écran central montre un homme couché sur le dos, que la caméra parcourt comme sans fin, au gré des transformations qui l’affectent.