A l’occasion de l’année du Brésil en France, en 2005, on avait beaucoup entendu parler de l’artiste Tunga. Comment ne pas se rappeler sa magistrale sculpture abritée sous la pyramide du Louvre intitulée A la lumière des deux mondes? Dans cette exposition qui inaugure le nouvel espace de la galerie Daniel Templon, Tunga surprend : la démesure du Louvre a laissé la place à de petits dessins des plus intimes…
Ces dessins sont tous réalisés à partir d’une même technique: l’artiste dessine d’abord les motifs à l’envers, avant de les retourner à la manière d’un calque et de les faire apparaître grâce à l’usage d’un pastel rose. A partir de là , le dessin est un subtil mélange de poudre de pastel s’inscrivant sur le papier chiffon et de lignes rosées tracées à main levée. La sensualité commence par la technique.
Ces dessins frappent par leur force érotique suggestive. Trois éléments récurrents portent en eux cette force érotique : la main, le sein et la dent. Ils concourent à créer une impression de fantasme générateur de l’œuvre.
La main et la dent sont des forces pénétrantes s’encastrant sans cesse dans des creux et de replis, pendant que les seins et les formes souples du corps féminin produisent du plein et de la surface. Bien souvent, une dent et les doigts d’une main se pénètrent.
Tunga imagine des formes phalliques sauvages teintées d’un anthropomorphisme débridé et délibérément surréaliste. Les formes s’accouplent, les corps dégagés de l’organisme étouffant du Canon renaissant forment une sexualité monstrueuse fondée sur la pénétration de la main et la morsure de la dent. L’absence de visages humains est frappante, de même que les sexes sont toujours suggérés et pris dans leur propre devenir en une autre forme.
Tunga fait explicitement référence au Surréalisme: on peut évidemment penser à Picasso dont les dessins érotiques sont forcément une référence, mais c’est surtout vers André Masson que Tunga s’est tourné.
D’ailleurs, c’est bien Masson qui illustra la figure fantasmatique de l’Acéphale, magnifiquement théorisée par Georges Bataille. Les corps de Tunga sont acéphales, comme si la force érotique était résolument du côté du corps et de ses instincts, du côté du désir et de la mort, dans une érotique du détour et du fantasme.
Et ce n’est pas la sculpture-lampe installée au centre de l’exposition qui viendra démentir les dessins : dans un filet partant de la lampe est prise une tête de mort. Le sexe et la vanité vont de pair. Le visage harmonieux laisse magistralement la place au crâne.
«La vie humaine est excédée de servir de tête et de raison à l’univers», ces mots de Georges Bataille pourraient accompagner cette exposition de corps roses entassés en un charnier indémêlable de mains dentées.
Tunga
— Pin up Side Down Too 2007. Laiton, aluminium fondu, cable d’acier, résine expox, matériel électrique. 305 x 200 x 150 cm.
— Sans Titre (1), 2006. Pastel sur papier. 44 x 54 cm.
— Sans Titre (1), 2006. Pastel sur papier. 44 x 54 cm.
— Sans Titre (1), 2006. Pastel sur papier. 44 x 54 cm.