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Design élémentaire

Un portant à deux niveaux, façon entrepôt industriel, sur lequel sont disposés une vingtaine d’objets réalisés depuis 2006 par le duo de designers parisiens. Voilà ce qui accueille le visiteur qui pénètre dans l’exposition « Normal Studio, design élémentaire ». Ici, pas de sacralisation: mobilier domestique, de bureau et urbain, produits en petite ou en grande série… tous les objets sont mis sur le même plan, alignés les uns à côté des autres de manière si compacte qu’il est parfois impossible de les appréhender dans leur intégrité. Une mise en scène d’une simplicité déconcertante, conçue par les designers eux-mêmes, et qui en dit long sur leur démarche.

Minimalistes, Normal Studio? Disons plutôt fidèles à une certaine orthodoxie du design: des lignes simples et élégantes, un refus systématique du décoratif et du gratuit, une esthétique industrielle qui s’étend jusqu’aux projets faisant appel à des savoir-faire artisanaux. Les objets ainsi conçus acceptent la modestie de leur vocation utilitaire, qu’ils n’essayent pas de camoufler sous des bizarreries de formes ou des démonstrations technologiques. Ils cherchent moins à provoquer un coup de foudre qu’à tisser des liens dans la durée, en rendant un bon service et en devenant ces objets familiers auxquels on s’attache parce qu’ils remplissent leur fonction avec discrétion et efficacité. La séduction sans racolage: on est à des années-lumière de « l’esprit Eindhoven »… Et, en cette période de matraquage milanais, ça fait du bien.

D’autant que les deux designers, que l’on dit peu bavards, ne dispensent aucun discours moralisateur. S’ils revendiquent pour eux-mêmes une vision du design axée sur la recherche de sens et d’intemporalité, ils ne prétendent en aucun cas l’ériger en modèle unique. En paraphrasant la célèbre formule de Louis Sullivan, on serait tenté de décrire leur démarche par « Form Follows Process » : la forme de chaque objet dérive de son procédé de fabrication. Cette « méthode », le duo a tenté de l’illustrer au travers d’une frise graphique, tracée sur le mur qui fait face au portant.

On y découvre notamment les recherches effectuées sur l’engommage de la tôle perforée, qui donneront naissance à la table-basse Bloc (Tools Galerie, 2007), ou sur le fraisage d’une plaque de médium, que l’on retrouve dans les plateaux très graphiques des tables d’appoint Ajours (Eno, 2008). En mettant en évidence des principes constructifs qui ne sautent pas forcément aux yeux, ce dispositif incite à ne plus seulement juger l’élégance d’une forme, mais à examiner aussi l’intelligence d’un processus de fabrication. Avec cependant certaines limites: seuls huit projets sont ainsi illustrés, et l’absence de commentaires écrits limite forcément les informations que l’on peut en tirer. Il suffit pour s’en convaincre de se reporter aux textes du catalogue, autrement plus éclairants sur la richesse et la subtilité de la démarche des designers.

Toutefois, si à ce stade le visiteur ressent une certaine frustration, ce n’est rien en comparaison à ce qui l’attend face à la « Nuée des possibles », un mur d’images situé dans le décrochement de la galerie. Ce vaste pêle-mêle présente les objets glanés par les designers « au fil des voyages » et qui nourrissent leur travail. Au total, plus de 80 photographies, livrées sans aucune clé de lecture, dont on retient principalement que les sources d’inspiration de Normal Studio sont… nombreuses et variées. En doutait-on vraiment? Certes, on peut s’amuser à tenter soi-même certains rapprochements, à deviner les sources d’influence de tel ou tel projet… Si l’on aime les spéculations, pourquoi pas?

En fin de compte, cette scénographie «en trois temps» (dixit le dossier de presse), suscite plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Et semble finalement peu soucieuse de médiation, en tout cas avec un public de non professionnels. Pour bon nombre de visiteurs, ces trois temps semblent d’ailleurs se fondre en un seul: celui qu’il faut pour traverser la salle en promenant un regard un peu perplexe sur une exposition qui, pour ne pas être bavarde, en devient parfois muette.

Normal Studio
Bloc, 2008. Table-basse, meuble d’appoint. Edition ToolsGalerie.
Banc Y et meubles Diamant, 2009. Edition Tolix.
Cabinet Diamant, 2009. Edition Tolix.
Tréteaux Y, 2009. Edition Tolix.
Rails Diamond Boxes, 2007. Editions Tools Galerie
Paysage, service de table, 2008. Porcelaine. Ligne Roset

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