— Éditeurs : Quiquandquoi, Genève / Cellule pédagogique, Genève
— Collection : Art y es-tu ?
— Année : 2002
— Format : 21 x 29 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : non paginé
— Langues : français, allemand
— ISBN : 2-940317-07-0
— Prix : non précisé
Texte
par Nolwenn Chauvin
Créée en 2001 par la Cellule pédagogique du département de l’instruction publique au Bâtiment d’art contemporain de Genève (Mamco et Centre d’art contemporain), la collection « Art y es-tu ? » offre carte blanche à des artistes reconnus, très impliqués dans le milieu de l’art contemporain, pour faire un ouvrage destiné aux enfants. L’idée est née du travail de médiation indirecte autour de l’art contemporain, menée par la Cellule pédagogique auprès des enseignants. À defaut de pouvoir prêter des œuvres aux classes scolaires, la Cellule a pensé que le livre pouvait être un excellent moyen pour permettre à l’art d’entrer à l’école.
Le choix des artistes procède du goût personnel de Claude-Hubert Tatot, directeur de la collection et coordinateur de la Cellule pédagogique. Ces artistes ont en commun d’être à contre-emploi puisqu’aucun d’entre eux n’a, jusqu’à présent, conçu ce type de livre ni même n’en a eu l’idée, pas plus qu’il n’a eu l’habitude ou le goût de s’adresser aux enfants. En résultent des livres originaux, autonomes, qui sont eux-mêmes des œuvres à mettre entre les mains des enfants.
Le livre conçu par Jean-Luc Verna ne déroge pas à la règle. Rien ne prédisposait en effet à faire se rencontrer l’univers baroque et rock’n’roll de l’artiste et celui de l’enfance. Si l’artiste a perçu son livre comme un challenge pour lequel il lui a fallu se brider, il n’en reste pas moins que ses dessins de poupées sont vraiment bizarres.
Dans ce monde étrange et fascinant, on croise une poupée vaudou chaussée de tête de mort, une poupée commando bodybuildée, une poupée sourire inquiétante à souhait — dont le visage n’est pas sans rappeler Chucky, la poupée tueuse des films d’horreur —, une grosse poupée sans tête, etc. Cette galerie de monstrueuses beautés emprunte autant au Freacks de Tod Browning qu’aux photographies fétichistes de Joel Peter Witkins. Un air de famille voulu par l’artiste, lui-même « poupée bizarre », être hybride, qui ne garde pas de l’enfance un très bon souvenir.
Inévitablement, ces créatures ultra maquillées évoquent aux adultes tout un monde underground et transgenre, allant de Siouxie (sans ses Banshees) à Divine. Autant de citations qui inquiètent les parents parce qu’interprétées comme références sexuelles et sociales, quand leurs enfants ne voient… que des poupées bizarres.
Infléchir les préjugés, parer aux rejets, accepter l’autre dans ses différences et ses bizarreries, ouvrir le regard de ces futurs adultes, tels sont les idées principales que ce livre de Jean-Luc Verna suggère, bien qu’il se défende d’avoir fait œuvre utile. Pour lui, il s’agit d’abord d’une récréation, d’un interlude étrange ne ressemblant à aucun autre livre pour enfants, ni à aucune image vue à la télévision. On le croit aisément !
(Texte publié avec l’aimable autorisation de Nolwenn Chauvin)
L’artiste
Jean-Luc Verna est né en 1966 à Nice, où il vit et travaille.