Micol Assaël, Richard Baquié, Rosa Barba, Neal Beggs, Nina Beier, Julien Berthier, Etienne Bossut, Robert Breer, Alain Bublex, Balthasar Burkhard, James Lee Byars, Manon De Boer, Philippe Decrauzat, Silvie Defraoui, Simon Faithfull, Mario Garcia Torres, Shilpa Gupta, Jung Hee Choi, Julius Koller, Suzanne Lafont, Vincent Lamouroux, Didier Marcel, Gianni Motti, Jean-Christophe Norman, Hans Schabus, Gregor Schneider, Georgina Starr, Laurent Tixador, Raphaël Zarka
Des mondes possibles
La Théorie des mondes possibles élaborée à partir du rêve de Théodore, prêtre de Delphes, dans la 3e partie des Essais de Théodicée de Leibniz, envisage l’existence de mondes parallèles ou alternatifs cohérents qui entretiennent «des relations d’accessibilité avec le monde réel». Elle a été déclinée au fil du temps dans le champ de la métaphysique, de la physique, de la philosophie, de la linguistique et dans celui des études littéraires, avant que les chercheurs ne s’en emparent pour modéliser des fictions dans le domaine du cinéma et des jeux vidéo. Autant de productions qui, au même titre que les fictions littéraires, «font monde» à leur façon.
Précisons d’emblée que cette exposition n’entend pas transposer cette théorie dans le champ des arts visuels même si elle lui emprunte son titre. Il n’est pas question d’affirmer ici que les œuvres présentées seraient réductibles au récit et/ou à la fiction qui requièrent du lecteur/spectateur une véritable «suspension consentie d’incrédulité». Il s’agit plutôt d’envisager chacun des éléments qui composent la micro galaxie qu’est l’exposition comme un monde en soi, doté d’une logique interne et susceptible pourtant de «re-former, trans-former» notre vision du monde dans lequel nous vivons.
L’angle choisi pour cette exposition qui rassemble des œuvres de la collection du Frac Franche-Comté est celui du Temps car de facto la théorie des mondes possibles s’ouvre presque logiquement sur une autre spéculation, celle «des temps possibles» à travers la notion de coexistence, d’uchronie, de voyages dans le temps, de bifurcation temporelle (cf. théorie des mondes multiples).
Or les œuvres choisies ici possèdent leurs propres règles et leurs logiques. Elles se développent respectivement dans un espace-temps spécifique, interrogent chacune à leur manière non seulement la dimension temporelle, mais aussi leur propre temporalité.
Il s’agira dès lors de proposer au visiteur un parcours dans le temps ou plutôt au sein de la double acception du temps, physique et psychologique. La première relevant de la mesure du temps, des sciences physiques, la seconde de la durée, du temps ressenti, vécu via des œuvres qui le questionnent.
Ainsi, qu’elles s’inscrivent dans l’espace pour s’y mouvoir ou qu’elles évoquent le déplacement, le passage, qu’elles suggèrent la vitesse, la lenteur ou une pause, qu’elles soient explicitement en devenir pour indiquer l’inachèvement, l’évolution (work in progress), le flux, voire l’entropie et la disparition, qu’elles se fassent récit, qu’elles soient mémorielles ou citationnelles, qu’elles décomptent ou mesurent… ensemble, les œuvres présentées déclinent la polysémie de cette inépuisable question du Temps.
Le Temps: objet éternel de fascination et d’angoisses, de rêves et de folles spéculations… auquel s’est attelé notamment, dans des textes troublants et labyrinthiques, l’unique et multiple Borges.
critique
Des mondes possibles