Cerith Wyn Evans
Dérive
Cerith Wyn Evans (né en 1958, vit et travaille à Londres) diplômé du Royal College of Art en 1984, d’abord cinéaste et vidéaste dans les années 80. Fortement influencé par les enseignes lumineuses au début des années 90, il étend sa pratique à l’installation et à la sculpture. Cerith Wyn Evans oriente ses travaux vers la transcription matérielle du langage.
Aujourd’hui artiste majeur de la scène anglaise, l’artiste élabore une Å“uvre aux multiples lectures, qui interroge les limites conceptuelles de la perception. À travers des médiums aussi divers que les néons, le feu d’artifice, le mobilier, le film, la photographie et la sculpture, il emprunte volontiers à la littérature, à l’histoire de l’art comme au cinéma, pour donner à voir et à vivre l’expérience d’une réalité décontextualisée à travers un dandysme poétique.
Cerith Wyn Evans présente dans la première salle de la galerie: Shadow une vingtaine d’œuvres sur papier, en référence au poème de Stéphane Mallarmé «Un coup de dés jamais n’abolira le hasard» (publié en 1914), ainsi qu’à l’œuvre de Marcel Broodthaers (publié en 1969). L’originalité de Mallarmé est d’avoir conçu ce poème comme un art de l’espace, espace de transgression, en luttant contre les alliances arbitraires, laissant le sens surgir par défaut musicalement. Broodthaers, lui dans son œuvre «Un coup de dés jamais n’abolira le hasard» déplace tout le texte, ne gardant intacte que sa disposition topographique, réduisant le poème à sa seule structure de lignes noires, élevant ainsi la structure au rang de concept digne d’un statut en soi.
Cerith Wyn Evans joue avec ces deux références en allant plus loin dans la manipulation du texte, il tente de sortir les mots de la logique du langage, en luttant contre les logiques arbitraires, nous laissant avec des espaces interstitiels. Ces vides/espaces laissent transparaître toujours l’idée d’incertitude. L’irrégularité des mots et leur dissociation spatiale ainsi présentés par Cerith Wyn Evans renvoient l’élocution à son commencement: l’espace intérieur, non linéaire, où se constitue l’idée, car «Toute pensée émet un coup de dés».
L’artiste propose également dans le même espace l’installation Untitled ( Black Fountain), œuvre immatérielle, telle une fontaine de l’eau, s’écoule le long d’un monolithe noir, juché sur un socle en miroir, autour au sol, des paillettes s’éparpillent dans l’espace. Objet de méditation, presque mystique, cette roche noire semble touche au domaine du spirituel.
Il choisit ensuite de montrer dans la blancheur des murs de la galerie: Beware Fresh Paint, un grand néon dont la lumière blanche suspendue dans l’espace compose le point de départ du dispositif. Le titre de cette œuvre se réfère à un souvenir de David Hockney concernant une conversation entre Richard Hamilton et Marcel Duchamp à lʼICA de Londres. Une personne dans l’audience aurait demandé à Duchamp quel conseil il aurait pu donner aux jeunes artistes. Duchamp aurait alors répondu: «Beware Fresh Paint!», Hockney aurait compris «Beware French Painting!». Les mots ainsi suspendu dans l’espace font échos à la peinture fraîche de la galerie, entamant ainsi un dialogue critique entre la construction du texte et son contexte de monstration.
Enfin, Cerith Wyn Evans, présente Audio Column (Incarnation Paris), 2012. Un haut parleur placé au sol diffuse une colonne de son. La bande sonore pour cette œuvre est une série d’enregistrements de sons provenant de l’espace, rassemblés par le télescope Radio Lovell à Jodrell Bank. Libérés de toutes références de notre monde visible, ces sons abstraits soulignent l’existence de multiples univers, au delà de notre perception et de notre entendement. Cette œuvre poétique et immatérielle rend audible d’autres bruits qui se sont souvent produits à des années lumière d’ici.
Vernissage
Samedi 12 mai 2012