Le chorégraphe syrien Mithkal Alzghair présente Déplacement, une pièce créée en 2016 et composée de deux parties, un solo et un trio. Au-delà de la part autobiographique, Déplacement évoque les conséquences du conflit syrien et les inévitables déplacements d’une population en proie à la violence guerrière.
Déplacement : l’autobiographie déplacée
Déplacement répond à une nécessité : témoigner de la réalité de la guerre ravageant la Syrie. Mais le seul témoignage personnel ne saurait se suffire à soi-même et appelle réflexion. Il n’est ici qu’un point de départ laissant Mithkal Alzghair faire part de son expérience, lui permettant de considérer la place et le rôle de la politique, de la religion, et de l’armée dans la formation de sa propre personnalité.
La pièce de Mithkal Alzghair apparaît alors comme la tentative de rendre compte de la complexité vécue de la situation de la Syrie où s’entrechoquent inévitablement idéologies, aspiration à la liberté, et changements politiques et sociaux à la fois brutaux et radicaux. Si Mithkal Alzghair parle de lui-même, il n’est que l’intermédiaire des syriens en proie à la guerre dont l’intention unique est de «créer une composition, qui, à travers la poésie de la création, permet une distance vis-à -vis de la réalité». La danse, plus particulièrement la chorégraphie de Déplacement, se doit alors de porter la vérité des affres de la guerre, les tourments ressentis de celle-ci, dont l’exode, et finalement l’exil.
Déplacement : la perte de l’origine
Dans un tel spectacle, solo et trio se suivent pour exprimer certainement ce que Mithkal Alzghair a pu lui-même observer. Sous l’effet de la violence guerrière, les individus réagissent différemment. Ils peuvent ainsi s’indigner, protester, se rebeller, seuls ou au nom du groupe auquel ils appartiennent. Mais quelle est la part de l’individu lui-même ? Quelle est celle du groupe lui-même? De même, conduits à se déplacer, volontairement ou non, pourquoi les individus peuvent-ils vouloir se joindre à d’autres ? Si le solo tend à exprimer le point de vue particulier, celui de l’individu face au désastre guerrier, le trio confronte alors ce dernier à celui de la communauté.
Mithkal Alzghair s’emploie d’abord mettre en scène la réalité vécue du déplacement, à «expérimenter la notion de déplacement dans son hétérogénéité : les déplacements forcés ou volontaires, l’urgence ou la contrainte du déplacement, le besoin de partir et l’inquiétude de ne plus pouvoir revenir». Comment traduire sur scène, au travers d’une suite organisée de mouvements, le déchirement intime entre la perte du lieu d’origine et l’incertitude du lieu d’arrivée ?
Déplacement fait alors place à la danse syrienne traditionnelle, à la fois point d’origine et motif essentiel du mouvement chorégraphié puisqu’elle révèle les problèmes liés à tout déplacement de population.
Itinéraire du spectacle :
– Pôle-Sud, CDCN Strasbourg, dans le cadre du festival Extradanse, du 12 au 14 avril 2018.
– Théâtre des Abbesses, les 19 et 20 septembre 2017.