Gaëtan Gatian de Clérambault
Démulti(plier) les séances de prises de vues de Gaëtan Gatian De Clérambault (Maroc, 1918-1919)
Gaëtan Gatian de Clérambault fut de son vivant considéré comme un Maître et un Seigneur, un ponte et une sommité de la psychiatrie française moderne, avant de devenir une figure de légende. Du fait en partie des circonstances dramatiques de sa mort par suicide en 1934, cette légende s’est ensuite comme schématisée selon deux versants difficilement conciliables, l’un sulfureux et quelque peu diabolique d’un voyeur et d’un fétichiste supposé, l’autre angélique et maladroitement hagiographique.
Un des objectifs de cette exposition est de chercher à faire la part des choses, notamment en ce qui concerne le corpus de photographies prises à Fès en 1918-1919, du moment que ce corpus, pour toujours inachevé, aurait contribué à l’articulation de l’un ou de l’autre des versants antagonistes de cette légende paradoxale.
En effet, Clérambault fut célèbre dès les années 1920 du fait de son enseignement clinique, comme du fait de ses nombreuses publications dans les revues scientifiques et de plus d’une centaine de communications devant les sociétés savantes de psychiatrie. Il fut surtout célèbre pour ses travaux de médecin-certificateur à l’Infirmerie spéciale Psychiatrique de la Préfecture de Police de Paris, où il rédige une œuvre ouverte, un rien gon-gorique, à la fois précieuse et précise, jour après jour, pendant presque quarante ans, de plus de treize mille certificats médico-légaux inédits, autant de diagnostics d’internement asilaire correspondant à autant de patients en crise (hallucinés ou psychotiques) que la police ramassait en ville et lui a amenés tout au cours de sa carrière.
Clérambault est, dans l’histoire de la psychiatrie française, reconnu comme un chef d’école, un clinicien exemplaire et génial, mais la reconnaissance de son travail photographique sera, par contre, beaucoup plus marginale et tardive. Plus que dans les dédales de la psychiatrie, c’est dans la photographie que l’on perçoit Clérambault l’esthète visuel. C’est là que son lecteur devient son spectateur. Or, cette dimension formellement iconographique de Clérambault, son travail d’ethnophotographie, mérite encore d’être étudié et davantage exploité.
En suivant les fils et les plis à partir de Clérambault, l’ambiguïté et l’étendue du sujet de cette exposition recouvre les champs de la médecine, de l’ethnographie, de l’Orientalisme et du colonialisme de l’époque, de l’iconographie artistique et le recours plastique aux plans et aux volumes de l’étoffe. Cette exposition réunit une centaine de tirages originaux des années 1918-1919, motivée par la conjugaison de plusieurs facteurs: une lecture du fonds, le sujet poursuivi par Clérambault et son protocole de travail.
D’après un texte d’Antonio Guzman
Commissariat
Antonio Guzman
Vernissage
Lundi 5 mai 2014 Ã 18h