Cinq ans d’existence en bordure de la rue de Seine, fief de l’art contemporain, et une ambition qui ne se dément pas… «Déjà 5 ans seulement», l’exposition anniversaire de la belle galerie, évite le best of pour les festivités de son quinquennat.
Une fois les bougies soufflées, que reste-t-il de cet anniversaire? Un esprit d’invention plus que de l’autocitation. La galerie Loevenbruck regroupe les œuvres de plasticiens ayant ponctué sa vie artistique, des pièces inédites ou des prêts de collectionneurs s’en défaisant, par amitié, le temps d’une dernière présentation publique.
Le ton de l’exposition? Pas de vanité ici mais un regard subtil sur les dernières années de création.
En passionné d’art, assumons nos coups de cœur: Travelling Landscape de Gabor Osz et une pièce de Blaise Drummond qui frôle la perfection. A eux deux, ces tableaux aux formats impressionnants (127 sur 125,7 m et 125 sur 167,5 m) esquissent les enjeux plastiques de la représentation contemporaine.
Si Osz joue la carte de l’évanescence colorée, Drummond explore le figuratif en multipliant les approches artistiques. Le parallèle entre les deux peintres n’est pas fortuit car s’il y a landscape, c’est peut-être chez Drummond qu’il faut le chercher.
Sur la trame blanche de la toile, un chalet trône au milieu d’une flore raréfiée: au premier plan, un roc hachuré d’encre noire, des fleurs aux contours ciselés et en guise de ciel, une coulée bleu. Le travail sur les textures reprend ce que l’on a tenté jusqu’ici pour biaiser la représentation en deux dimensions. Un résumé d’histoire de l’art sublimé.
La dégoulinure d’azur gonfle le ciel de son volume, la précision des fraisiers rappelle les planches scientifiques du XVIIe siècle, la description minutieuse de l’intérieur, des tentures et des papiers peints s’inspire des décoratifs.
Reste l’étrangeté du tableau: la solitude de ce bâtiment au cœur d’un règne végétal et minéral métonymique.
Quant à Osz, il abroge la peinture du trait: Travelling Landscape est une vapeur de bleu, un état d’âme coloré qui pâlit en son centre. Ce vague à l’âme hypnotique vaut à lui seul le déplacement.
Autour de ces œuvres majeures, les artistes exposés corroborent ce que Loevenbruck défend depuis cinq ans: les matières profanes. Bruno Peinado compose une orchidée métallique dont les pistils sont des griffes à fleur (Epiphytic Black Orchid), Stéphane Sautour donne à la résine une finesse diaphane et Olivier Blanckart sculpte The B. (diminutif de «butcher») avec du scotch et du papier kraft. Ces plasticiens ménagent des effets dramatiques avec une économie de moyens sidérante.
Un choix que l’on retrouve jusque dans la photo d’Edouard Levé, Angoisse de la nuit: prise dans les phares d’une voiture, la rue déserte d’un petit village prend des accents chabroliens. Alors que le vernissage consacré aux derniers travaux du photographe approche, notre attente est à son comble. Appâtés par ce cliché, les fans de la galerie Loevenbruck sont déjà dans les starting-blocks …
English translation : Rose Marie Barrientos
Traducciòn española : Maïté Diaz Gonzales
Arnaud Labelle-Rojoux
— Elephant Man, 1996. Technique mixte. H : 110 cm.
Alain Declercq
— Série «Holster/bureau», 2006. Gaufrage d’une arme sur cuir. 49 x 60 cm.
Virginie Barré
— Lyndon, 2006. Mannequin en scotch, pantalon brodé, accessoires. 120 x 45 x 25 cm.
Daniel Dewar et Grégory Gicquel
— Woodpeckers on Extasy, 2006. Laine, bois, céramique, acier. L : 640 cm.
Bruno Peinado
— Sans titre, Epiphytic Black Orchid Binary Term, 2006. Découpe jet d’eau haute pression sur aluminium peint, peinture époxy cuite au four, griffes à fleurs. 145 x 120 x 30 cm.
Stéphane Sautour
— Le Monde des branes, 2006. Résine, stéréolithographie. 15 x 15 x 15 cm.
Vincent Labaume
— Funérailles, 2006. 3 pavés de granit gris, sciés, polis et gravés. 8 x 8 x 8 cm.
Philippe Mayaux
— Camelote Body, 2005. Vitrine, technique mixte. 57 x 78 x 27 cm.