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Deimantas Narkevicius

PSilvia Cazacu
@12 Jan 2008

L’artiste lituanien Deimantas Narkevicius travaille sur la narration. Ses moyens: le film et la vidéo; son sujet privilégié: l’entrecroisement de l’histoire personnelle avec l’histoire de son pays; son espace: la Lituanie et les pays de l’ex-bloc soviétique; ses procédures: les mixages visuels et les principes stylistiques des films d’amateurs des années 70.

Le travail artistique de l’artiste lituanien Deimantas Narkevicius concerne la narration. Ses moyens sont le film et la vidéo; son sujet privilégié est l’Histoire explorée d’un point de vue subjectif par la récupération d’images existantes et par le recueil de témoignages; son espace se compose de la Lituanie et des pays de l’ex-bloc soviétique; ses procédures, enfin, consistent à mixer le visuel en recourant largement auxs principes stylistiques des films d’amateurs des années 70.

Pour His-Story, explique Narkevicius, «tout a commencé en 1978-1979. Mon père était mêlé à un conflit à son travail et la situation s‘est corsée. Il y avait procès sur procès. Il en a gagné quelques-uns uns et en a perdu quelques d’autres mais au bout d’un moment il s’est rendu compte que les procès étaient politisés…»
L’installation filmique His-Story, constituée de deux projections 16 mm et 35 mm, s’affirme comme une réponse artistique à une question politique: l’entrecroisement de l’histoire personnelle du père de l’artiste (His Story) avec l’histoire de son pays (History). L’expérience individuelle est scénarisée et cadrée sur le mode du documentaire filmé. Les images, sans lieu ni date définis, traduisent le flux d’une mémoire affective. A l’inverse, les commentaires témoignent d’un moment et d’une histoire précis: les procès politiques des années 70 dans les pays de l’ex-bloc soviétique. Titulaire un poste élevé dans l’administration lituanienne, le père de Narkevicius a été destitué de façon arbitraire et violente: déclaré malade mental, il a été interné. «Je pense que ses adversaires sentaient que ses opinions différaient des leurs, je pense que c’est ce qui était à la source du conflit» (His-Story).
L’œuvre alterne continuellement le passé et le présent, le voyage en train (les personnages sont filmés dans un compartiment) opérant des passages dans le temps et dans l’espace, comme les flux et reflux de l’existence. La linéarité de l’histoire est déconstruite et la réalité transformée en sensations cadrées, archivées à des fins de consultations ultérieures. Ces traces, réalisées à l’aide d’équipements anciens, renvoient au cinéma de propagande de l’ère soviétique. Ainsi s’instaure un intervalle entre la prise de vue et son développement esthétique.

Legend Coming True: un grand écran, trois chaises, un petit livre et la voix-off d’une femme, Fania, qui raconte en russe/lituanien. Le film s’articule autour de quatre endroits: la rue de son enfance, la façade de son école, la cour de son immeuble dans le ghetto et la forêt de Rundninkai par où cette femme s’est echappée pendant la guerre. Quatre jours et quatre nuits de tournage dans quatre lieux mythiques. La caméra a été programmée pour filmer une image par minute (et non vingt-quatre par seconde). Chaque plan délimite un fragment de récit: la création de la ville de Vilnius, la fuite du ghetto de Vilnius, etc.
Dans ces quatre plans fixes, la vie passe par un monologue continu d’une heure. Un décalage s’établit entre l’imprécision des images (le flou, l’intangible, le statique) et la vivacité et l’acuité de la parole. L’accumulation des détails, l’exactitude des souvenirs inscrivent le discours une sorte de réalité accentuée. Le flux subjectif de la mémoire de Fania nous projette vers une géographie des sentiments à travers l’histoire de la communauté juive de Vilnius.
En dernière partie, on assiste à une ouverture sous forme de performance: cette vieille dame chante un hymne de résistants. La voix-off trouve alors un visage animé. La spontanéité du chant abolit le récit dans une actualité spatiale et temporelle.

Deimantas Narkevicius :
— His-Story, 1998. Installation filmique constituée de deux projections de 16 mm et 35 mm.
— Legend Coming True, 1999. Film tourné en super 8 et transféré sur DVD.

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